« Le Monde Afrique » propose une série d’entretiens pour éclairer le sentiment antifrançais qui gagne du terrain dans les pays francophones du continent.
Simple trou d’air ou rupture consommée ? L’année 2022 s’achève comme elle avait commencé sur une image de divorce et d’incompréhension grandissante entre la France et les pays d’Afrique francophone, ses anciennes colonies. A l’expulsion, en janvier, de l’ambassadeur de France à Bamako après que le chef de la diplomatie française a qualifié la junte au pouvoir d’« illégitime » fait écho le départ des derniers soldats français de Bangui, en Centrafrique, en décembre. Laissant le champ libre à la Russie et aux mercenaires de Wagner vers lesquels le Mali s’est aussi tourné. Entretemps, les discours antifrançais – souvent alimentés par le Kremlin dans un contexte de guerre en Ukraine – ont prospéré. A Ouagadougou, Bamako, N’Djamena ou Niamey, les pancartes « France dégage ! » se sont installées dans les manifestations.
Face à ce rejet, Paris est apparue démunie. Et les efforts d’Emmanuel Macron pour montrer que, dans la crise provoquée par l’invasion de l’Ukraine, la France se tenait aux côtés des pays les plus vulnérables à travers, par exemple, des initiatives comme FARM (Food and Agriculture Resilience Mission) se sont avérés bien insuffisants pour reconquérir les cœurs.
Le Sommet de la Francophonie organisé en Tunisie en novembre a une nouvelle fois offert le spectacle d’une réunion de famille fatiguée et le déplacement du chef de l’Etat au Cameroun pour rencontrer l’inamovible Paul Biya a encore alimenté le sentiment de coupable complaisance après l’adoubement de Mahamat Déby au Tchad.
Soif d’équilibre
La déception n’en est que plus grande aux yeux des jeunes Africains qui avaient entendu – et certainement voulu croire – aux promesses de rupture faites par Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou en 2017. De cette réinvention de la relation entre la France et l’Afrique, de cet inventaire honnête du passé qu’ils attendaient, ils se sentent aujourd’hui floués. Est-ce à dire que le fossé ne peut que continuer à se creuser ?
Pour prendre la mesure du malaise, Le Monde Afrique a choisi de donner la parole à des artistes, des intellectuels ou acteurs engagés du continent à travers une série d’entretiens. Jeunes ou moins jeunes, enfants des indépendances ou nés dans une Afrique mondialisée.
De Dakar à Djibouti en passant par Tunis, Douala ou Antananarivo, ils disent leur soif d’une relation plus équilibrée, plus respectueuse aussi, sans dissimuler la responsabilité des dirigeants africains dans le bilan qu’ils dressent de la situation de leur pays.
Par Laurence Caramel