L’offensive surprise du Hamas sur Israël samedi a soudainement remis sous les projecteurs la cause palestinienne et sapé les tentatives de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite, parrainées par les Etats-Unis.
En septembre, à la tribune des Nations unies à New York, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait nié la centralité de la question palestinienne. Il avait exalté la normalisation des relations d’Israël avec les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, dans la dynamique des accords d’Abraham en 2020, comme « l’aube d’une nouvelle ère ».
M. Netanyahu avait aussi affirmé qu’Israël était proche « d’une avancée encore plus spectaculaire, une paix historique » avec l’Arabie saoudite, poids lourd du monde arabe.
Le président américain Joe Biden, désireux de marquer des points sur le front diplomatique avant l’élection présidentielle de 2024, a fortiori s’il se retrouvait face à son prédécesseur Donald Trump sous l’égide duquel ces accords d’Abraham ont été signés, pousse pour depuis des mois pour ce rapprochement.
Des négociations entre les deux plus anciens alliés des Etats-Unis au Moyen-Orient, qui partagent une inquiétude envers le développement du programme nucléaire iranien, devaient avoir lieu dans les prochaines semaines.
« La pente à gravir était forte mais elle le devient plus encore » après l’attaque du Hamas sur Israël, estime Brian Katulis, chercheur au Middle East Institute à Washington.
L’intensité et l’ampleur des violences, qui jettent une lumière crue sur l’étendue des questions non résolues entre Israël et les Palestiniens, « rendent désormais difficile de mettre ces dossiers compliqués sous le tapis comme ce fut le cas au moment des accords d’Abraham », ajoute M. Katulis.
Le dirigeant de fait de l’Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed ben Salmane, a lui aussi fait état récemment de progrès dans le rapprochement avec Israël mais exigé des avancées sur la question palestinienne, considérée comme une priorité par son père, le roi Salmane.
« Refroidissement »
Ryad est d’ailleurs revenu à un discours plus classique dans sa première réaction aux violences, samedi, en affirmant avoir prévenu de l’existence d’une « situation explosive résultant de la poursuite de l’occupation (israélienne) et de la privation de droits légitimes subie par le peuple palestinien ».
Pour Aziz Alghashian, un spécialiste saoudien des relations israélo-saoudiennes, le royaume s’emploie ainsi à réfuter l’idée qu’il privilégierait la normalisation avec Israël aux dépens de son soutien aux Palestiniens. « La situation a ramené l’Arabie saoudite à son rôle traditionnel », dit-il.
« Netanyahu a ajouté un obstacle dans ces discussions de normalisation en disant qu’il s’agit d’une guerre » à la suite de l’attaque du Hamas, estime M. Alghashian, qui ne « voit pas comment une normalisation pourrait avoir lieu avec une guerre en toile de fond ».
Le Hamas, soutenu par l’Iran, a pu agir « par peur d’une marginalisation encore plus forte de la cause palestinienne » en cas reconnaissance d’Israël par l’Arabie saoudite, estime Joost Hiltermann, responsable du Moyen-Orient au sein du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).
Pour le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, l’interruption des efforts de normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël pourrait également avoir été un des objectifs de l’attaque du mouvement islamiste palestinien.
« Qui s’oppose à la normalisation? Le Hamas, le Hezbollah, l’Iran. Il ne serait donc pas surprenant qu’une partie de leur motivation ait été de perturber les efforts visant à rapprocher l’Arabie saoudite et Israël », a-t-il déclaré dimanche sur CNN. « C’est donc certainement un facteur », a ajouté M. Blinken.
La réaction militaire d’Israël, qui s’annonce massive, obligera les Etats arabes à adopter une ligne plus dure à son égard, compte tenu notamment d’opinions publiques très sensibles à la cause palestinienne.
L’armée israélienne utilisera « toute sa puissance » pour « détruire les capacités » du Hamas, a déclaré samedi soir M. Netanyahu, qualifiant Gaza de « cité du Mal ».
« On pourrait envisager un scénario de refroidissement des relations avec les Emirats et probablement au moins de retard de toute sorte d’accord possible entre Israël et l’Arabie saoudite », poursuit Joost Hiltermann.
Pour l’influent sénateur républicain Lindsey Graham, ces attaques semblent avoir été « conçues pour bloquer » le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël car « un accord de paix entre ces deux pays aurait été un cauchemar pour l’Iran et le Hamas ».