Le 29 août 2023, le président sortant de la Fédération malienne de football (FEMAFOOT) a été réélu pour 4 ans avec 61 voix favorables (1 voix contre et 1 abstention). Un «plébiscite» qui n’est pas surprenant puisqu’il était finalement seul en lice. Tous ses adversaires ont été écartés en cours de route pour des raisons diverses. Le hic, c’est qu’il est réélu en pleine tourmente judiciaire. En effet, le 9 août dernier, il a été placé en détention provisoire (avec l’ancien président de l’Assemblée nationale, Issaka Sidibé, et d’autres personnes) par le pôle économique et financier du Mali pour «atteinte aux biens publics ainsi que pour faux et usage de faux». Il est vrai que le président réélu bénéficie de la présomption d’innocence. Mais, n’aurait-il pas été mieux qu’il se décharge de cette responsabilité le temps de laver son honneur ?
Malgré les interpellations, nous nous sommes retenus de nous prononcer sur la situation à la Fédération malienne de football (FEMAFOOT). Notre réserve était d’abord liée au fait que, dans les deux camps, il y a des gens qui nous respectent et ont beaucoup d’estime pour notre modeste personne. Mais, il y aussi le fait que dans ce pays, une prise de position est vite interprétée non pas en fonction des enjeux et de son impact sur une activité ou discipline sportive, mais selon les intérêts personnels des uns et des autres.
Maintenant que les dés sont jetés, l’objectivité nous pousse à livrer notre lecture à nos lecteurs. Le constat est que, aujourd’hui, nous avons un président légalement réélu pour un mandat de 4 ans. Ses partisans peuvent légitimement jubiler en rappelant à l’opinion nationale et internationale que c’est «la première fois depuis 2000 (plutôt octobre 1999) que le président sortant de la Fédération malienne de football succède à lui-même…» ! Tout comme, rétorquent ses détracteurs, c’est aussi la première fois qu’un candidat à la présidence de la Femafoot est élu ou réélu à son absence parce que privé de sa liberté ! Et c’est loin d’être un détail anodin !
Le président sortant a donc été légalement réélu. Mais, la légalité n’est pas la légitimité. Elle est loin de procurer cette légitimité morale qui reflète davantage une évaluation normative positive d’une organisation et de ses activités. A notre avis, on n’a pas rendu service au football malien en maintenant l’organisation de cette Assemblée générale élective. La sagesse aurait conseillé que les différents camps se rencontrent et proposent un report à la CAF et à la FIFA compte tenu de la situation qui est loin d’être reluisante. En effet, alors qu’un candidat est arrêté pour de soupçons d’abus de bien public, l’autre lui reproche d’avoir manigancé la disqualification de sa liste. Et il a saisi le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour faire prévaloir ses droits. Un recours qui n’est pas malheureusement suspensif.
Dans tous les cas de figures, chacun était conscient qu’il n’y avait que l’embarras au bout du processus actuel : un président élu sur fond de contestation et qui, de surcroît, se retrouve privé de sa liberté. Malgré la victoire de la seule liste du président sortant gagne, il faudra compter aussi avec la décision finale du TAS concernant l’invalidation de la candidature de son adversaire. Si le TAS ne valide pas la décision de la commission d’appel, on ne pourra alors que s’acheminer vers une nouvelle élection. Pourquoi alors se donner en spectacle au monde entier ?
Que d’incertitude à cause du feuilleton judiciaire
Certains en ont voulu au ministre de la Jeunesse et des Sports (chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne) d’avoir saisi la Fifa. Et pourtant il était bien dans son rôle. Conscient que tout acte ou toute décision de sa part pouvait être assimilé à une «ingérence» interdite par l’instance suprême du football mondial, son devoir était de l’alerter sur les risques encourus en laissant ce processus aller à son terme. C’était donc logique que le ministre demande à la Fifa de «bien vouloir s’intéresser au processus en cours pour qu’elle se déroule dans le strict respect des textes qui régissent le football».
A défaut d’être sûr de bénéficier rapidement d’une liberté provisoire (sous caution) pour leur candidat afin de lui permettre de continuer à mener ses activités, son camp aurait pu tout simplement opter objectivement pour un report. Ce qui ne devait pas être de la mer à boire pour un camp soutenu par 6 ligues régionales de football, 21 clubs de ligue 1 et ligue 2 et 3 associations (médecins, anciens joueurs et arbitres). Et sans compter qu’il ne pouvait pas manquer d’arguments pour convaincre la CAF et la Fifa de la nécessité du report ne pouvant que réellement profiter au football malien.
Maintenant que le vin est tiré, il faut le boire. Que faut-il aujourd’hui craindre ? Nous nous retrouvons avec un président de fédération privé de sa liberté. Jusqu’à quand ? On ne saurait le dire ! Ce qui est clair, c’est que l’instruction des faits qui lui sont reprochés prend généralement du temps. A moins qu’il ne bénéficie rapidement d’une liberté provisoire. A défaut, il faudra envisager l’avenir sans lui. Ce qui met sur orbite ses vice-présidents, le premier notamment.
Ainsi, nous apprenons qu’un Comité exécutif a été mis en place la semaine dernière et c’est le Directeur de campagne du vainqueur qui occupe désormais la 1ère-vice présidence et remplira toute la disposition statutaire de l’Article 10.2 du règlement d’application des statuts de la Femafoot. Celui-ci stipule que, en cas d’empêchement ou d’absence du président de la Femafoot ou même en cas de vacances du poste, ses pouvoirs sont d’office exercés par un vice-président selon l’ordre de préséance.
Mais en quoi tout cela nous avance ? Les plus pessimistes voient déjà les prémices d’une nouvelle crise. C’est possible ! Mais, son ampleur ne sera pas considérable si le soutien des 6 ligues régionales de football, 21 clubs de ligue 1 et ligue 2 et 3 associations (médecins, anciens joueurs et arbitres) est réellement sincère. Il s’agit là des acteurs qui ont un rôle majeur à jouer dans l’animation de notre football. Aujourd’hui, c’est un précieux atout que d’avoir le soutien du Djoliba AC, du Stade malien et de l’AS Réal ainsi que des médecins, des anciens joueurs et des arbitres.
Toutefois, cette «unité» risque de rapidement voler en éclats si l’absence du président réélu sur le devant de la scène footballistique se prolongeait. Eviter son effritement est donc l’un des plus grands défis à relever par le camp du président réélu !
Moussa Bolly