La frontière entre le Nigeria et le Niger a été fermée dans la foulée du coup d’État mené le 26 juillet 2023 à Niamey contre le président Mohamed Bazoum. Depuis, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a également prononcé des sanctions contre le Niger. Une situation mal vécue dans le nord nigérian, frontalier. Reportage.
À la frontière entre le Niger et le Nigeria, les activités sont totalement paralysées depuis le coup d’État du 26 juillet à Niamey. La frontière de 1 500 kilomètres a été fermée de part et d’autre, laissant de nombreux habitants des deux pays totalement désœuvrés. Pour ces populations qui vivent ensemble au quotidien, la situation actuelle semble incompréhensible.
Cela fait ainsi plus de trois semaines que la voiture de Mohamed Abdoullahi est bloquée à Sokoto, remplie à ras bord de chaussures et de vêtements qu’il comptait revendre à Niamey. Il attend toujours désespérément que la frontière rouvre : « Ils ont dit dimanche ou lundi, on va rouvrir la frontière. Je ne sais pas si c’est vrai. »
« Le Nigeria et le Niger, c’est la même chose »
Plus préoccupé par la situation économique que par les discussions au sommet, ce transporteur a bien du mal à croire à une opération militaire. « On dit que le Nigeria va attaquer le Niger. Ce n’est pas vrai parce que le Nigeria et le Niger, c’est la même chose, lance-t-il. Moi, je suis au Niger, je me suis marié au Nigeria, à Abuja. Maintenant, je suis à Niamey ».
Yazid Abdourahamane, lui, est un jeune nigérien, employé par une compagnie de transport qui faisait habituellement le trajet entre les deux pays. Yazid vit et travaille au Nigeria, alors que sa famille se trouve à Niamey. « D’un côté, je suis nigérien et de l’autre côté, je suis nigérian, parce que mon père est d’origine nigériane, explique-t-il. Mais, il est de nationalité nigérienne comme moi je suis d’origine nigériane mais de nationalité nigérienne. Je suis nigéro-nigérien. C’est la même chose parce qu’on est de la même famille, parce qu’on la même langue, à peu près la même langue, et à peu près la même culture ».
Au sujet de la crise actuelle, il déplore : « Vraiment je peux dire qu’on est bloqué, économiquement et socialement. On ne peut pas aller voir nos familles. Rien ne marche, on est en train de manger ce qu’on a récolté depuis, parce que le Niger a totalement sécurisé sa frontière et le Nigeria aussi. Dès que tu ne prends pas la voie légale, tu prends des risques. On a vraiment peur. Nous, ce qu’on veut, c’est un terrain d’entente pour les relations socialement et économiquement avec les autres pays membres de la Cédéao, que ça soit stable à 100%, comme avant. »
Même incompréhension pour le Nigérian Abdullahi Shehu, qui réside dans la ville frontière d’Illela avec sa femme originaire de Dosso, au Niger : « Le Niger et le Nigeria, c’est la même chose. Il n’y a aucun moyen de faire une différence entre les deux, nous sommes les mêmes ! Regardez : moi, ma femme est du Niger et moi je suis du Nigeria. Est-ce que vous croyez que nos enfants ne se sentent pas du Niger ? Qu’ils ne se sentent pas du Nigeria ? Et tout ça date d’avant notre naissance. Nous sommes un seul peuple. »
Assise à ses côtés, sa femme Myriam craint déjà pour sa sécurité et celle des autres habitants des villes frontières d’Illela et de Konni : « On ne part pas acheter quelque chose à Konni. Et ceux de Konni ne viennent pas ici acheter. Tout est coupé. On manque de nourriture. Et maintenant, on a dit qu’on va faire la guerre. Ceux de Konni vont se réfugier ici ? On ne sait pas comment on va faire. »
Les responsables de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont bien dit que l’organisation n’entend pas « entrer en guerre contre le Niger ou contre les Nigériens », mais ce message a du mal à passer dans ces villes frontières transformées en villes fantômes.