Arrivés au pouvoir en août 2020 pour nettoyer les écuries d’Augias, les militaires et leurs soutiens civils par leurs maladresses ont rajouté au mal malien. Non seulement, ils se moquent de la misère des Maliens, mais ils se positionnent pour prendre le pays en otage en 2024 à la faveur des élections générales qui mettront fin à la trahison, excusez-moi, à la transition.
Là où ils étaient le plus attendu pour nettoyer bien les écuries d’Augias afin que la refondation de l’État malien soit une réalité, les putschistes d’août 2020 ont fauché l’herbe sous le pied des Maliens: la lutte contre la corruption. Ce dossier n’évolue presque pas. Il est devenu un instrument de chantage pour faire taire des gens cités dans les rapports des structures de contrôle et un moyen de surveiller des partis politiques dits démocratiques dont des cadres ont participé durant plus d’une décennie en bandes organisées à l’effondrement de l’économie malienne. Et par leurs maladresses, les militaires et leurs soutiens civils cristallisent aujourd’hui le mécontentement chez beaucoup de nos compatriotes qui ne savent plus où donner de la tête pour faire face aux besoins fondamentaux.
Pourtant, rien n’indiquait que le Mali ressemblerait à la cour du roi Pétaud. Mais comme il est coutume d’attendre, le temps est le meilleur juge. Il a suffi que les ‘‘sauveurs’’, célébrés au monument de l’Indépendance, le lendemain du coup d’État perpétré le 18 août 2020 contre le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), prennent les rênes du pouvoir à la suite d’un autre pronunciamiento en mai 2021. Même scène de joie chez les laudateurs des militaires qui ont contraint dans la nuit du 20 au 21 août 2020 le président IBK à rendre le tablier pour une transition politique au Mali. Elle était censée mettre à plat le système de gouvernance mis en place en juin 1992 par une poignée d’individus au service de leurs propres intérêts et de leurs sponsors étrangers. En réalité, c’était de la poudre aux yeux. En lieu et place de ce gangstérisme des politiciens de carrière contre les intérêts vitaux de notre pays, ‘‘les libérateurs’’ construisent leur propre nid sur la misère de leurs compatriotes pour rester dans le jeu politique. Et les élections générales prévues à cet effet en 2024 seraient un tremplin pour cela.
Pour arriver à cette fin, la stratégie mise en place serait de maintenir le peuple malien dans une sorte de misère et de pauvreté en activant sur le bouton de la cherté de la vie. Et le système semble bien marcher selon la volonté des concepteurs de cette théorie d’étouffement des Maliens. Il n’est plus un secret pour personne que les chefs de famille croupissent sous le poids des prix élevés des produits de première nécessité. Ils sont nombreux à ne plus faire bouillir les marmites trois fois par jour pour satisfaire en matière de nourriture les membres de leur famille. Tout est au- dessus du Malien moyen qui constitue un bétail électoral pour des gens aux fortunes douteuses qui se positionnent dans l’ombre pour remporter les élections de 2024. Et ils ne lésinent pas sur les moyens pour financer et ou parrainer des activités des électeurs potentiels qui ont déjà accepté leur sort de misérable.
Le feu couve sous la cendre
À l’instar des démocrates qui ont pillé de fond en comble le Trésor public malien pour leur confort personnel, les militaires d’août 2020 ont bâti leur propre système de mauvaise gouvernance sur la vie chère. Ils ont procédé à l’augmentation des produits de grande consommation au nom d’un contexte international lié à la guerre en Ukraine. Supportée par les Maliens pour aider les autorités de la transition en froid avec certaines puissances impérialistes, la crise économique entretenue volontairement pour des desseins inavoués commence à asphyxier le peuple malien. Les langues commencent à se délier. Et le mécontentement grandit chez les Maliens. Malheureusement, aucune couche socio-professionnelle n’est épargnée par cette politique anti humaine. Même les soutiens dont les cris sont une alerte dans l’opinion publique sont atteints de plein fouet par les mesures de leurs protecteurs. Il n’est pas rare de les attendre critiquer les autorités de la transition sur le dossier de la vie qui devient de plus en plus insupportable pour les ménages de revenus faibles dont eux- même font partie de ce groupe.
Les cris fusent de tous les côtés. Dans le monde paysan, où les plaintes sont rares, la tension commence à monter d’un cran. Les cotonculteurs sont mécontents de la manière dont les prix des intrants agricoles subventionnés sont vendus. Ils crient à l’escroquerie, à la trahison. Moussa Fané est un paysan d’une des zones CMDT. Il avoue avoir acheté l’engrais subventionné (12 000 F) à un autre prix. Et un autre d’ajouter qu’il n’a reçu que deux sacs au lieu de cinq. Ils sont nombreux à être dans cette situation. Chez les propriétaires des Petites moyennes entreprises (PME), c’est le sauve qui peut. Les coupures d’électricité intempestives ont obligé bon nombre de travailleurs de ce secteur à se convertir à d’autres activités. Dans les marchés, les prix des produits locaux et importés changent chaque jour que Dieu fait sans que les services de l’État se sévissent contre les contrevenants. Ce qui fait que le consommateur est devenu une proie facile des commerçants sans foi ni loi.
Les fonctionnaires pour se faire attendre des autorités multiplient les grèves, arrêts de travail. Les secteurs sensibles comme l’éducation et la santé détiennent aujourd’hui le record de jours sans travail. Ces grèves sont initiées dans le but d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs. Le feu couve sous la cendre. Et les autorités ont intérêt à prendre le taureau par les cornes avant qu’il ne soit trop tard. Un homme affamé n’a point d’oreille, dit-on.
Yoro SOW