Le dimanche 18 juin 2023, 8,4 millions de Maliens ont été appelés à se prononcer sur la nouvelle Constitution proposée par les militaires au pouvoir depuis 2020.
Une loi fondamentale présentée comme la thérapeutique qui viendra guérir le pays de Modibo Kéïta de tous les maux dont il souffre depuis une décennie et lui redonner sa grandeur et sa splendeur du temps de l’empire mandingue : « Je suis convaincu que ce référendum ouvrira la voie à un Mali nouveau, un Mali fort, un Mali efficace, un Mali au service du bien-être de la population », s’est en effet réjoui le chef de l’Etat, le colonel Assimi Goïta, après avoir glissé son bulletin à Kati, ville garnison près de Bamako.
Mais en attendant cette République irréprochable annoncée, on ne peut pas dire que les Maliens sont allés aux urnes avec le même émerveillement et le même enthousiasme que leur président.
Bien au contraire, tout laisse présager que c’est avec du plomb dans les jambes qu’ils se sont réveillés le matin du scrutin. Tant les électeurs ont boudé les bureaux de vote qui ont pu effectivement ouvrir.
Toutefois, il convient de rendre à la junte malienne ce qui est à la junte malienne.
En effet, malgré ses velléités de s’accorder une durée au pouvoir plus que de raison, elle a fini, sous la pression de la communauté internationale, la CEDEAO notamment, par revoir ses ambitions à la baisse. Et jusque-là, officiellement, l’échéance de février 2024, date du retour à une vie constitutionnelle normale, est toujours à l’ordre du jour. Même si avec la relecture du Code électoral, on suspecte à tort ou à raison le colonel Assimi Goïta de vouloir troquer le treillis militaire avec le boubou présidentiel.
Si le scrutin référendaire est en quelque sorte une répétition générale avant les communales, les législatives et la présidentielle tant attendue, il convient de reconnaître qu’il y a encore du chemin à faire vers le retour à un pouvoir civil.
En effet, malgré tous les efforts, les discours souverainistes, les gages d’assurances et de sécurité déployés par les colonels pour leur nouvelle Constitution, les électeurs n’ont pas du tout été au rendez-vous. En attestent les premières tendances de la Mission d’observation des élections (MODELE) qui tablent sur un taux de participation de 27%.
Une contreperformance consubstantielle, d’une part, au contexte sécuritaire et, d’autre part, à la situation sociopolitique dans lesquels est plongé le pays depuis de longues années.
C’est que, toujours selon la MODELE, de nombreux incidents ont émaillé le scrutin, notamment dans le Centre, le Sud et le Nord du pays où du matériel électoral a été enlevé ou brûlé par des individus armés non identifiés, le non-fonctionnement où la délocalisation de nombreux bureaux de vote pour cause d’insécurité et l’enlèvement d’agents électoraux.
A tout cela s’ajoute le cas endémique de Kidal où les ex-mouvements rebelles ont refusé de permettre l’acheminement du matériel de vote.
Cette faible participation est aussi la manifestation du désamour sans cesse grandissant entre les militaires et certains de leurs anciens alliés, comme l’influent imam Mahmoud Dicko, farouche opposant à la version actuelle du texte soumis à référendum.
Et n’oublions pas l’aversion d’une grande partie de la classe politique et de la société civile qui dénonce une loi fondamentale visant l’instauration d’un régime présidentiel au bénéfice sans doute du colonel Assimi Goïta dont les soutiens commencent à appeler à sa candidature.
En un mot comme en mille, après plus de trois ans de transition et de rhétorique triomphaliste, les Maliens semblent blasés de l’incapacité des militaires, soutenus par les mercenaires russes de Wagner, de restaurer la sécurité sur toute l’étendue du pays.
Alors, le peu d’engouement pour ce référendum peut être comme l’expression d’un dépit collectif de plus en plus grand. Mais aussi comme un avertissement.
Alain Saint Robespierre