Vendredi soir, le ministre Abdoulaye Diop annonçait la fin de la MINUSMA. Le sort de la mission reste toutefois suspendu au verdict final des instances de l’ONU, le 29 juin prochain, mais la démarche des autorités maliennes, loin de tenir de la surprise, comporte de nombreuses implications et questionnements.
Ce faisant, le gouvernement aura en effet tranché entre partisans et contempteurs maliens de la Minusma en optant pour une demande de retrait des casques bleus d’un pays où ils séjournent depuis plus de 10 ans, dans le cadre d’une mission multidimensionnelle et intégrée de stabilisation. Les opinions sont partagées sur les résultats de cette longue présence, mais il n’en demeure pas moins que le clap de fin ainsi déclamé par le ministre malien des Affaires Étrangères découle aussi d’un malaise persistant entre les autorités et la représentation onusienne. Les multiples rapports sur la situation des droits de l’homme sont passés par-là et auront probablement raison de la MINUSMA longtemps attendue de toutes façons au tournant d’une impossible cohabitation avec les supplétifs russes communément appelés «milice Wagner» Déjà en 2022, l’affaire des 49 militaires ivoiriens avait corsé les choses et entraînait l’expulsion comme un malpropre du premier responsable de la section des droits de l’homme de la Minusma, dans un contexte de rejet de l’augmentation des effectifs de casques bleus au Mali. Mais c’est le malaise dramatique de Moura qui sera la goutte d’eau de trop avec le refus catégorique des autorités de la Transition de se soumettre aux besoins d’enquête sur les présomptions de violation des droits humains qu’elles avaient assimilée à une tentative de déstabilisation et une instrumentalisation politique des droits de l’homme. De mission de stabilisation, la Minusma passe du coup dans une certaine opinion comme un outil de déstabilisation, en dépit de sa place prépondérante dans l’accès des populations aux services sociaux de base.
Quid des populations bénéficiaires ?
Nul n’ignore que la MINUSMA est singulièrement sollicitée et prisée au Nord où la résilience des populations ne tient en grande partie que par sa présence dans leur quotidien. En dépit de l’absence criante de l’Etat, les services sociaux de base sont restés accessibles par ses soins et le vide laissé par le déficit administratif est comblée en plusieurs endroits du septentrion – dont la majorité des populations n’a pu se retenir de pousser un cri d’alerte à contre-courant des voix qui réclamaient le départ de la mission onusienne. Se prononcer en définitive dans le sens contraire à la volonté des principaux bénéficiaires revient à adouber par péché diplomatique leur sevrage de projets à impact rapide, de médicaments dont les localités sont régulièrement approvisionnées par la Minusma parmi tant d’autres services et non des moindres comme les soins de santé, l’évacuation de malades vers les centres de santé, etc. Sans proposition d’alternative crédible et rassurante, il paraît donc évident que le pouvoir a tranché au gré de trublions de la capitale dont il épouse manifestement l’indifférence au sort des bénéficiaires potentiels de la présence onusienne.
L’accord d’Alger aux calendes grecques
Quoiqu’Abdoulaye Diop fasse cas dans son intervention d’une mise en œuvre intelligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation, il ne pipe mort de la partition de la Minusma dans ses instruments dont la suspension coûte l’exclusion de Kidal du processus référendaire en cours. Des questionnements demeurent par conséquent pour peu qu’on n’ignore pas en effet que c’est la même représentation onusienne qui assure le secrétariat du Comité de suivi de l’APR et que son retrait affecté logiquement le fonctionnement de la machine de mise en œuvre du processus d’Alger. Et faute d’édifier sur une alternative à cet autre vide inhérent au retrait réclamé de la Minusma, les autorités de transition se seront illustrées à tout le moins par une attitude qui traduit leur degré d’attachement au règlement de la crise septentrionale par une poursuite du dialogue avec les mouvements signataires. C’est pourtant la seule voie envisageable aux yeux des principaux garants de l’Accord ainsi que de la communauté internationale, qui n’ont de cesse de plaider pour son application intégrale quand la diplomatie malienne insiste sur une mise en œuvre intelligente à défaut de mettre la croix dessus et de le reléguer aux calendes comme pour trancher le nœud gordien des interminables divergences dont il est l’objet.
A l’écoute de la rue…
Au regard des nombreux enjeux qui polarisent le sujet, la demande de «retrait sans délai de la MINUSMA», selon beaucoup d’observateurs avertis, dégage aussi les relents d’une option populiste voire une offensive de charme en direction des soutiens du régime qui battent le pavé depuis plusieurs mois pour manifester leur hostilité à la présence onusienne au Mali. Un exercice dans lequel un certain Ben le Cerveau et Jeamille Bittar se sont distingués avec l’opération CARTON ROUGE CONTRE LA MINUSMA et à coups de meeting, démonstration de force et menaces envers les installations des Nations-Unies dans le pays. C’est ainsi que le mouvement Yerewolo a déjà exprimé, par un communiqué sur les médias d’État, sa satisfaction du départ annoncé des casques bleus, qui, s’il intervenait, s’ajouterait à une longue série d’expulsions dont celle des confrères RFI et France 24, des ONG françaises, de l’armée France et de ses alliés européens avec le départ forcé de Bharkane, de composantes de l’armée ivoirienne contraintes à plier bagages après la détention des 49 militaires qualifiés de terroristes avant que le jugement et la décision de leur grâce présidentielle ne dise le contraire. Autant de départs et de fronts ouverts qui conduisent forcément à l’isolement du pays.
A KEÏTA