L’Afrique ne reçoit pas les volumes nécessaires de céréales car les accords conclus en juillet n’évoquent pas ce continent comme destinataire prioritaire, a expliqué auprès de Sputnik Vsevolod Sviridov, expert du Centre d’études d’Afrique à Moscou, commentant la proposition de la Russie de modifier ces accords.
Une raison pour laquelle les modalités de cet accord pourraient être revisitées.
“Il n’y a pas de mention explicite de la destination de ces céréales. Il y est noté que les céréales et les denrées alimentaires doivent être livrés aux pays qui les demandent. Il n’y a aucun mot sur l’Afrique”, a indiqué M.Sviridov.
Il s’agit tant de l’accord sur les céréales ukrainiennes que sur le mémorandum signé entre la Russie et l’Onu sur ses
exportations alimentaires. La nécessité d’y apporter des corrections a été récemment évoquée par Sergueï Verchinine, vice-ministre russe des Affaires étrangères.
Avantages déjà obtenus
Cependant, les accords actuels ont déjà beaucoup contribué à la stabilisation du marché global, poursuit l’analyste:
“Maintenant, les contrats à terme se négocient deux fois moins cher qu’en mai, avant la signature des accords. Pour l’Afrique, c’est très important, car les achats de denrées alimentaires se font via des monnaies stables déficitaires, comme le dollar et l’euro”.
D’après lui, la sécurité alimentaire du continent est aussi menacée par d’autres facteurs, dont le manque d’infrastructure, de réseaux de transport et de terres arables. Un problème qui existait bien avant la crise en Ukraine:
“C’est pourquoi des entreprises russes souhaitent investir pour construire de telles installations. Cela pourrait renforcer la sécurité alimentaire des pays africains et permettre aux sociétés russes de consolider leur participation sur le marché”.
Impact des sanctions
Même si l’exportation des denrées alimentaires russes vers les pays pauvres est exonérée des sanctions occidentales, leur livraison est entravée par le refus des transporteurs et des assureurs de travailler avec la Russie, car ce type d’activités commerciales est sanctionné.
Tant que cette situation persiste, il y a un avantage pour les pays de l’Occident: “De grands fournisseurs alimentaires comme les États-Unis et la France, ils sont très intéressés à repousser les acteurs russes des marchés alimentaires africains”, a déclaré M. Sviridov.
D’un autre côté,
les pays occidentaux s’intéressent aussi au maintien des livraisons de denrées alimentaires russes en Afrique car cela permettrait de garder plus au moins une stabilité politique et sociale, en premier lieu, dans l’Union européenne, une région sensible”, a ajouté l’expert.
Enfin, les problèmes alimentaires détériorent la situation dans l’Afrique de l’Ouest, ce qui suscite une hausse du flux migratoire en Europe. “Ce dont l’Union européenne n’est pas intéressée”, conclut-il.
Pour contrer cet impact de sanctions qui entrave aussi l’exportation des engrais offerts à l’Afrique mais bloqués dans des ports européens, la Russie devrait devenir autonome en terme de transport de ses marchandises, d’après l’analyste.
Pour quand la modification des accords?
Exprimée par la diplomatie russe, l’idée de remettre en cause les modalités des accords céréaliers a été commentée par le bureau du secrétaire général de l’Onu. Selon celui-ci, ce processus devrait se faire avec la participation de tous les signataires. Notamment, la Russie, l’Ukraine, la Turquie et l’Onu.
Le document qui concerne les exportations alimentaires depuis l’Ukraine a initialement été signé le 22 juillet à Istanbul pour une durée de 120 jours. Il a été reconduit le 17 novembre pour 120 jours supplémentaires.
Il est appuyé par un mémorandum entre l’Onu et la Russie pour une durée de trois ans, prévoyant la suppression des restrictions antirusses qui entravent l’exportation d’engrais et de produits agricoles. Or, le blocage des engrais russes est maintenu par l’UE en dépit même de leur envoi à titre gracieux par Moscou.