D’après le Washington Post, l’homme d’affaires a proposé de donner des informations sur les positions des troupes russes si l’Ukraine se retirait de la ville et de ses alentours.
Les récentes fuites de documents classifiés américains ont livré de nouveaux secrets. Et Evgueni Prigojine pourrait en faire les frais. D’après le Washington Post , le patron de Wagner, qui s’est particulièrement fait remarquer ces derniers jours, aurait tenté de négocier avec Kiev la prise de Bakhmout. Dans le détail, il aurait proposé à la direction du renseignement militaire ukrainien de révéler certaines positions de troupes russes si l’Ukraine se retirait de la ville et de ses alentours.
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Ces informations proviennent des documents de défense confidentiels qui ont été divulgués sur la plateforme de discussion Discord au début du mois d’avril par un membre de la Garde national aérienne américaine. Elles ne précisent pas quelles positions russes Prigojine voulait monnayer avec Kiev. Deux responsables ukrainiens ont confirmé ces informations au Washington Post, indiquant que le patron de Wagner avait fait cette offre à plusieurs reprises, mais que Kiev avait toujours refusé, par méfiance.
Des contacts approfondis avec le renseignement ukrainien
D’après ces derniers documents, Evguéni Prigojine a tissé une relation secrète avec les services de renseignements ukrainiens depuis le début de la guerre. Par le biais d’appels téléphoniques, mais aussi de rencontres physiques, notamment dans un pays non identifié d’Afrique, où Wagner étend son influence. Le chef de la milice se serait d’ailleurs plaint directement à un officier du renseignement ukrainien du manque de munitions à Bakhmout. Il aurait également encouragé Kiev à attaquer la Crimée, illégalement annexée par la Russie.
Interrogé aux sujets de ces fuites par le Washington Post, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a pas souhaité confirmer les contacts entre Prigojine et le renseignement de son pays. «C’est une affaire de renseignement militaire», a-t-il balayé. De l’autre côté, les documents suggèrent que Kiev soupçonne le Kremlin d’être au courant de ces échanges. Sur sa chaîne Telegram, le principal intéressé n’a pas nié des rencontres en Afrique, mais n’a pas fait mention de l’offre à propos de Bakhmout.
Cette tentative de négociation, si elle s’avère avoir été menée sans l’aval du Kremlin, pourrait être considérée comme une trahison par Vladimir Poutine. Car s’il n’est pas rare qu’en temps de guerre, les deux camps conservent certains contacts, Prigojine aurait ici choisi d’échanger la vie de ses combattants contre celle de soldats russes. Mais comme toujours, il ne faut pas négliger le fait que la guerre informationnelle bat son plein. Tous ces éléments sont donc à interpréter avec prudence.
Tensions entre Prigojine et l’état-major russe
Ces révélations explosives s’inscrivent dans un contexte de vives tensions entre Wagner et l’état-major russe. Récemment, Prigojine a menacé de se retirer de Bakhmout si Moscou ne fournissait pas plus de munitions à ses hommes. En milieu de semaine dernière, le commandant des forces terrestres de l’armée ukrainienne, Oleksandre Syrsky, a d’ailleurs estimé que certains combattants de Wagner avaient été remplacés par des unités de l’armée régulière sur le front de Bakhmout.
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Une information à prendre, là encore, avec des pincettes, en plein «brouillard de guerre», mais qui traduit bien les frictions croissantes entre Wagner et l’armée régulière. D’autres documents classifiés révèlent d’ailleurs que les responsables du ministère russe de la Défense se demandent en privé comment gérer le cas Prigojine et répondre à ses critiques récurrentes sur les performances de l’armée régulière.
Ces documents évoquent aussi une lutte de pouvoir entre Prigojine et de hauts responsables russes, dont le ministre de la Défense Sergueï Choïgou. Depuis le début de la guerre, on prête au chef de Wagner des ambitions politiques, même si lui-même ne les a jamais précisées.