Le gouvernement algérien a dégainé un projet de loi au vitriol pour endiguer la propagation de documents secrets d’État sur les réseaux sociaux. Soumis au Parlement le 10 janvier, ce texte controversé sera examiné par les députés à partir du 29 janvier, avec un vote final espéré d’ici fin février.
S’il est adopté en l’état, il dotera le régime d’un arsenal judiciaire draconien pour traquer tous ceux soupçonnés de nuire aux intérêts nationaux. Ambition affichée : mater dans l’œuf toute velléité de déstabilisation du pouvoir par des fuites compromettantes.
La multiplication de leaks retentissants ces dernières années a sonné comme un signal d’alarme pour les autorités algériennes. En juin 2019, le scandale du cahier des charges secret de la compagnie aérienne nationale avait fait l’effet d’une douche froide.
D’où ce projet de loi ultrasécuritaire, érigeant le fait de diffuser des informations classifiées en un crime de « trahison nationale ». Verdict pour les contrevenants : la réclusion criminelle à perpétuité, voire dans certains cas, la peine capitale. Une sévérité sans précédent, qui vise clairement à dissuader par la menace carcérale.
Mais le texte ne s’arrête pas là. Les lanceurs d’alerte ne sont pas les seuls dans le viseur. Un volet spécifique entend réprimer « l’outrage à l’armée » et « l’offense aux institutions sécuritaires ». En clair, 12 ans de prison planent sur tout journaliste, politicien ou blogueur critique de l’appareil militaro-sécuritaire.
Sur le plan économique, le projet de loi durcit aussi le ton contre les « entraves scélérates » aux investissements étrangers. En effet, conscient des répercussions néfastes que pourraient avoir ces fuites d’informations sensibles sur l’attractivité du pays auprès des partenaires internationaux, le texte prévoit de sévères sanctions pour toute personne qui chercherait délibérément à nuire au développement des investissements en Algérie.Enfin, le projet de loi entend également légitimer le recours à la force par les forces de l’ordre dans certaines situations. Il introduit ainsi une nouvelle disposition clarifiant les conditions permettant aux agents de police et de sécurité de faire usage de leurs armes à feu. Concrètement, en cas de confrontation avec des menaces imminentes sur leur intégrité physique, les forces de sécurité pourront ouvrir le feu si l’autorité judiciaire conclut a posteriori à l’existence d’une situation de légitime défense conditionelle.
Derrière ce concept juridique, le texte vise à justifier par avance d’éventuelles bavures policières, en arguant de la nécessité de protéger les forces de l’ordre prises entre deux feux lors des fréquentes manifestations secouant le pays.
Par ce tour de vis répressif annoncé, sous couvert de défense de la sécurité nationale, l’Algérie espère endiguer la vague de fuites compromettantes qui sapent le moral des troupes et entachent l’image du pays. Mais ce pari sécuritaire ne manquera pas de raviver les craintes d’une restriction accrue des libertés publiques. Les débats parlementaires s’annoncent houleux sur ce texte controversé.