Noor Miah était étudiant en 2001 lorsque des émeutes ont secoué Burnley et d’autres villes du nord de l’Angleterre, émaillées d’affrontements entre la police et de jeunes Britanniques originaires d’Asie du Sud après une série d’attaques et d’incidents racistes.
Les autorités avaient alors été accusées de ne pas avoir suffisamment protégé les minorités contre les militants d’extrême droite.
Plus de deux décennies plus tard, Noor Miah se souvient de cette période sombre alors qu’il s’évertue à appeler les jeunes de sa communauté au calme. Plusieurs tombes musulmanes ont été profanées dans le cimetière de cette ville aux importantes communautés pakistanaises et bangladaises, tandis que des émeutes antimigrants et islamophobes ont eu lieu dans des villes voisines.
« 2001 fut une période difficile pour Burnley. Nous avons avancé depuis, nous nous sommes relevés. La nouvelle génération a beaucoup d’espoir », explique à l’AFP Noor Miah qui est désormais secrétaire pour une mosquée locale.
Lundi, il a reçu un message d’un ami qui s’était rendu au cimetière de Burnley et qui avait trouvé la pierre tombale de sa famille couverte de peinture: « Je me suis précipité au cimetière et il y avait déjà deux familles, très inquiètes, très bouleversées ».
La police traite l’affaire comme un délit raciste.
« Ceux qui ont fait ça essayent de provoquer la communauté musulmane pour qu’elle réagisse. Mais nous essayons d’empêcher cela, en essayant de maintenir le calme », affirme Noor. « Personne ne mérite ça ».
– Sortir le moins possible –
La profanation du cimetière a encore renforcé la peur qui monte parmi les musulmans de Burnley depuis que des émeutes islamophobes et antimigrants ont éclaté la semaine dernière.
Ces violences ont suivi une agression au couteau le 29 juillet à Southport (nord-ouest), dans laquelle trois fillettes ont été tuées, sur fond de rumeurs en ligne indiquant que le suspect était un demandeur d’asile de confession musulmane.
Il est en fait né au Pays de Galles. Selon des médias, sa famille est originaire du Rwanda et aucune information n’a été fournie sur sa religion.
Noor Miah s’inquiète pour son épouse lorsqu’elle se rend en ville, vêtue de son hijab, et il a demandé à son père de ne plus aller à la mosquée pour ses prières « afin de limiter le temps qu’il passe dehors ».
« J’ai contribué à construire cette mosquée, j’ai porté des briques (…) mais je dois penser à la sécurité de ma famille », dit-il, espérant que les violences, qui se sont calmées ces derniers jours, n’arrivent pas jusqu’à Burnley cette fois.
Un peu plus au sud, à Sheffield, Ameena Blake aussi s’inquiète. A quelques kilomètres de là, des émeutiers s’en sont pris dimanche à un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile et ont violemment affronté la police.
Présente au conseil dirigeant de deux mosquées locales, Ameena Blake décrit « l’énorme sentiment de peur », en particulier parmi les femmes musulmanes, certaines ayant par exemple peur de sortir en hijab.
Comme la famille de Noor Miah à Burnley, ici aussi « beaucoup d’entre elles restent désormais chez elles ou « ne sortent plus sans être accompagnées d’un homme de leur famille ».
– « Méfiance » mise de côté –
Le gouvernement travailliste a annoncé avoir renforcé la sécurité pour les lieux de culte, après qu’une mosquée a été prise pour cible à Southport la semaine dernière, plusieurs fidèles se retrouvant coincés à l’intérieur.
Mais si lors des émeutes de 2001 ou de 2011, la colère était de mise envers la police, désormais, les forces de l’ordre oeuvrent aux côtés des représentants de la communauté musulmane pour appeler au calme.
Ameena Blake se félicite de ce soutien « assez inattendu », qui a permis de mettre de côté « la méfiance et les difficultés historiques » avec la police.
Jeudi, le Premier ministre Keir Starmer a notamment visité une mosquée à Solihull, dans le centre de l’Angleterre.
A l’approche de la grande prière du vendredi, les musulmans de Sheffield sont « assez anxieux ». Mais les gens iront à la mosquée, assure Ameena: « Il y a de la peur, mais il y a aussi un profond sentiment qu’il faut continuer à vivre normalement ».