Pastef, les erreurs du passé et la maturité politique

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Le parti présidentiel Pastef a décidé d’aller seul aux législatives de novembre prochain. Le nouveau régime pense ainsi pouvoir disposer d’une majorité forte à l’Assemblée nationale, sans s’encombrer d’une coalition. Ousmane Sonko a fait comprendre aux alliés que la coalition Diomaye président n’a plus sa raison d’être parce qu’il a rempli sa fonction. Me Moussa Diop qui en a fait la révélation dénonce un manque de considération vis-à-vis des partis alliés de la part du leader du Pastef.
 
Ce parti prend ainsi le grand risque de faire cavalier seul au moment où toute la nouvelle opposition essaie de former un bloc commun pour aller aux élections. S’agit-il d’un excès de confiance de la part de ce parti ? Pas forcément, même si il y a de quoi au vu de la victoire éclatante dès le premier tour, sans aucun allié de poids. Il est vrai que Pastef a aujourd’hui toutes les raisons d’aller seul aux élections pour tester son poids.
 
Cependant, la raison principale est à chercher ailleurs, notamment dans les trahisons connues par le parti dans le passé. En effet, l’aura de Sonko semble avoir porté plusieurs formations politiques dans le cadre de coalitions aux législatives comme aux locales de 2022. Il est évident que si Barthélémy Dias est aujourd’hui maire de Dakar, c’est essentiellement grâce à l’électorat de Pastef.
 
Ahmeth Aidara et Dr Babacar Diop, respectivement maire de Guédiawaye et de la ville de Thiès ne justifient d’aucune assise politique pour occuper le poste qui est aujourd’hui le leur. Ils ont juste surfé sur la vague Pastef. Il en est de même de beaucoup d’autres maires de différentes municipalités à Dakar et dans les centres urbains. Ne disposant pas de leaders de premier plan dans beaucoup de localités, Pastef était contraint de faire confiance à ses alliés. Une confiance finalement cher payée.
 
Aux législatives, Sonko a porté la méga-coalition Yewwi-Wallu. Il est évident que le Pds garde jusqu’ici une certaine force politique, mais il n’y a aucun doute sur le fait que Pastef a beaucoup joué sur la cinquantaine de députés obtenue par le Pds. Il en est de même de Taxawu Sénégal qui a énormément bénéficié de la popularité de Sonko. Il suffit de voir les résultats du candidat Khalifa Sall (moins de 2%) comparé à l’élection de Diomaye (54%) en 2024.
 
Seulement, après avoir porté tout ce beau  monde, Pastef a été victime de trahison. On se souvient encore des diatribes de Barthélémy Dias contre Pastef. Au moment où le parti était en difficulté face aux emprisonnements de ses responsables et la capacité de plus en plus difficile à mobiliser, Dias fils, ancien complice de Sonko, a raillé le Pastef qu’il qualifiait de parti novice. Pastef était au bord de l’élimination et Barth semblait pousser assez fort. Khalifa Sall, avec sa fameuse « naa bokk rekk », a participé à un dialogue ayant permis à Macky Sall de le remettre dans la course lui et Karim Wade tout en écartant Ousmane Sonko.
 
Babacar Diop quant à lui a décidé de quitter la coalition pour n’avoir pas été investi sur la liste de Yewwi aux Législatives. Ahmed Aïdara lui, une fois devenu député-maire, a choisi de soutenir Malick Gackou à la présidentielle.
 
A l’Assemblée nationale également, Pastef a été victime de ses alliés, particulièrement le Pds. Faisant fi de l’esprit de la coalition, le parti de Wade a joué des tours à ses alliés de Yewwi en fonction de ses ententes avec Macky Sall. Autant de trahisons vécues donc par Sonko et Cie.
 
C’est certainement pour cette raison que le Pastef a décidé de compter avec ses militants et responsables pour éviter des surprises. Le traumatisme est assez récent pour être oublié. Sonko et Cie ne prendront pas le risque d’amener à l’Assemblée nationale des députés qui pourront ensuite leur tourner le dos.
 
D’ailleurs, cette prise de conscience ne se limite pas uniquement au choix d’aller seul aux législatives. Dans les nominations déjà, le président Diomaye et son PM, Ousmane Sonko ont fait preuve d’une extrême prudence à l’égard de certains alliés de la coalition. Aucun des anciens grands caïmans de la scène politique n’a été placé à un poste stratégique. Des leaders comme Habib Sy ont bénéficié de poste de PCA, un autre comme Mary Teuw Niane est nommé Directeur de cabinet aux côtés du chef de l’Etat. 
 
Certains comme Abdourahmane Diouf et Guirassy sont nommés ministres sous le contrôle étroit du Pm Sonko. Il restait Mimi Touré dont on se demandait où est-ce qu’elle serait casée. S’inspirant sans doute de Macky Sall qui en avait fait une envoyée spéciale dans une période grise sur le plan politique, Diomaye a fait de Mimi sa chargée de mission. Un poste qui ne donnera pas à Aminata Touré une influence majeure sur le plan politique.
 
Ces décisions donnent des signes d’un Pastef devenu mâture et qui ne se laissera pas surprendre par les alligators de la mare politique.

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