Une occasion manquée
« Pour moi, nous montrions ainsi que nous étions prêts à assumer des responsabilités, au nom de l’Europe, et puis une responsabilité géopolitique dans cette région du Sahel, qui revêt une importance énorme pour l’UE », déclare Johannes Arlt.
Il poursuit : « Etre la dernière nation [occidentale] présente sur le terrain, alors que les Français ne sont plus là et que les Américains se sont retirés, c’était l’occasion de jouer un rôle important et singulier. Je trouve cela très, très dommage que nous soyons contraints de mettre un terme à cet engagement. »
Beaucoup d’argent investi pour rien
L’Allemagne a décidé de se retirer ses troupes car elle estime que les autorités nigériennes ne lui ont pas donné les garanties nécessaires à la sécurité du personnel de la Bundeswehr stationné au Niger.
« Nous avons gaspillé plus de 120 millions d’euros en tout. Il y a de quoi être amer quand on y pense, mais la protection de nos soldats prime sur les millions perdus », déclare Johannes Arlt à la DW.
La base aérienne allemande avait différentes fonctions. D’abord, elle servait de base plateforme logistique, pour l’acheminement du matériel à destination de la Minusma, la coordination de l’aide sanitaire ou les opérations de sauvetage et d’évacuation.
Les critiques de l’opposition
Sevim Dagdelen, porte-parole de l’Alliance Sahra Wagenknecht pour les questions de politique étrangère au Bundestag (opposition) ne regrettera pas la fermeture de la base de Niamey, trop onéreuse.
Son parti était opposé aux interventions de la Bundeswehr au Sahel, comme elle l’écrit dans sa réponse à une question de la DW :
« Alors que l’argent manque pour l’éducation et l’infrastructure dans son propre pays, le gouvernement fédéral a de nouveau gaspillé plus de quatre milliards d’euros d’argent des contribuables pour des missions militaires qui ont totalement échoué. »
Entre 2018 et 2021, la Bundeswehr a formé, dans le cadre de la mission européenne EUTM, environ 800 forces spéciales de l’armée nigérienne (des nageurs de combat notamment) et une trentaine de formateurs nigériens.
Sevim Dagdelen estime que le fait que les soldats formés par la Bundeswehr et les Occidentaux, au Mali et au Niger, « se soient retournés contre les pays de l’Otan est une ironie de l’histoire ».
Et elle ajoute que cela est « la conséquence d’une politique menée dans le sillage néocolonial de la France ».
La Mauritanie comme alternative ?
Le député Johannes Arlt précise quant à lui que la Mauritanie pourrait devenir un nouveau partenaire privilégié de l’Allemagne en Afrique de l’Ouest. L’Alliance Sahel siège d’ailleurs à Nouakchott.
« Nous avons également utilisé la base aérienne du Sénégal, qui se trouve naturellement très, très loin à l’ouest. C’est pourquoi la situation [du Niger], plus au nord et plus centrale, en plein cœur du Sahel, était bien meilleure pour pouvoir opérer dans toutes les directions », remarque l’élu SPD.
« Et les priorités [de l’Allemagne] sont ailleurs pour le moment. Les priorités sont l’Europe, l’aptitude à la guerre, la reconstitution de notre Bundeswehr, l’augmentation de ses effectifs, l’intégration dans les troupes du matériel que nous avons acheté, et en réalité, on discute assez peu de cette perte dans l’espace public allemand. »
L’Allemagne maintient des relations avec les autorités nigériennes à un niveau minimum. L’aide et la coopération avec la société civile et les ONG continuent.
Johannes Arlt pense que la République fédérale est encore considérée comme un partenaire fiable au Niger.
Par ailleurs, l’élu reconnaît que la fermeture de la base allemande de Niamey aura un impact limité, comme la fermeture des bases de Gao et Bamako au Mali : « deux sites [seulement] dans un pays gigantesque, aux répercussions très, très locales » à l’échelle de tout un pays.
Après le départ des derniers personnels de la Bundeswehr, l’armée nigérienne devrait reprendre les locaux et le matériel, comme l’armée malienne l’a fait lorsque la Minusma a quitté Gao et ses autres bases du nord du Mali.
Auteur: Sandrine Blanchard, Christina Gerhäusser