Une chasse à l’homme est lancée mardi au Kenya après l’évasion d’un tueur en série présumé, qui aurait bénéficié dans sa fuite de « complicités » de policiers chargés de sa surveillance et dont huit ont été placés en garde à vue.
Collins Jumaisi, 33 ans, soupçonné du meurtre de dizaines de femmes, s’est évadé avec 12 autres personnes, des Érythréens en situation irrégulière, d’un commissariat de la capitale kényane Nairobi, selon la police.
Il avait été arrêté le 15 juillet dans un bar de Nairobi où il regardait l’Euro-2024 de football, quelques jours après la découverte de corps enfermés dans des sacs dans une décharge du bidonville de Mukuru, dans le Sud de Nairobi.
Selon la porte-parole de la police kényane Resila Onyango, « une opération majeure de sécurité est en cours » pour les retrouver.
« Nos enquêtes préliminaires indiquent que l’évasion a été facilitée par des complicités, étant donné que des officiers (de police) étaient déployés en nombre pour garder le commissariat », a dénoncé dans un communiqué le chef de la police par intérim, Gilbert Masengeli.
Devant la presse, M. Masengeli a également annoncé que huit policiers en poste la nuit derrière ont été placés en garde à vue.
Une enquête est actuellement en cours, et « toute personne reconnue coupable devra faire face à la loi », a prévenu Gilbert Masengeli.
Selon les autorités, qui l’ont décrit comme un « tueur en série psychopathe » et un « vampire », Collins Jumaisi a avoué avoir commis 42 meurtres de femmes entre 2022 – le premier étant celui de son épouse – et juillet 2024, à la veille de la découverte des premiers corps.
Il était détenu au commissariat de police de Gigiri, quartier du nord de Nairobi qui abrite notamment de nombreuses ambassades et le siège régional de l’ONU.
– La police critiquée –
L’évasion a été découverte mardi matin lors d' »une visite de routine dans les cellules vers 05H00 (…) pour servir le petit déjeuner », indique un rapport de police consulté par l’AFP.
« En ouvrant la porte de la cellule, ils (les policiers) ont découvert que 13 prisonniers s’étaient échappés en découpant le grillage métallique », détaille le rapport.
C’est la deuxième fois en moins de six mois qu’un suspect dans une affaire d’importance parvient à s’enfuir pendant sa détention.
En février, Kevin Kangethe, un Kényan âgé de 41 ans selon la police et qui devait être extradé vers les Etats-Unis où il est accusé d’avoir tué sa petite amie, s’était évadé d’un commissariat de Nairobi, sortant à pied du bâtiment.
Il avait été arrêté six jours plus tard chez un membre de sa famille dans une ville du comté de Kajiado, à environ 25 kilomètres au sud-ouest de Nairobi.
Collins Jumaisi avait comparu vendredi devant un tribunal de Nairobi et avait vu sa détention prolongée dans l’attente de la clôture de l’enquête.
Selon son avocat, Collins Jumaisi aurait été « molesté et torturé » durant ses interrogatoires.
L’agence officielle de protection des droits humains du Kenya (KNHCR) avait annoncé le mois dernier que les corps mutilés de 10 femmes avaient été retrouvés, enfermés dans des sacs en plastique, dans une décharge abandonnée de Mukuru.
La police a été vivement critiquée après la découverte des premiers corps dans cette décharge, car celle-ci est située à moins de 100 mètres d’un commissariat.
La KNCHR avait indiqué enquêter pour « écarter toute possibilité d’exécutions extrajudiciaires ».
L’organisme de surveillance de la police kényane (IPOA) a également annoncé enquêter « pour déterminer si la police est impliquée dans ces décès, ou si elle n’a pas agi pour les empêcher ».
Cette affaire intervient alors que les forces de sécurité kényanes sont sous pression depuis la mort en juin de dizaines de personnes lors de manifestations contre les projets de hausses de taxes du gouvernement.
Les ONG accusent la police d’avoir mené une répression disproportionnée en tirant à balles réelles sur les manifestants.
La police est redoutée au Kenya, et régulièrement accusée de meurtres et d’exécutions extrajudiciaires.
Le Kenya avait été secoué l’an dernier par la découverte, dans le sud-est du pays, de fosses communes contenant les corps de plusieurs centaines d’adeptes d’une secte apocalyptique qui les avaient poussés à jeûner jusqu’à la mort.