À la demande populaire, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a été élu à la magistrature suprême. Il a prêté serment le 2 août 2024. Lors de son discours d’investiture, il a promis un changement systémique en mettant l’accent sur la souveraineté. Depuis ce moment historique, où le plus jeune chef de l’État du Sénégal a prêté serment devant le peuple, plus de 100 jours se sont écoulés, marquant la fin de la période de grâce. C’est l’occasion de dresser le bilan de ses premiers pas en tant que cinquième président de la République.
Les prémices d’une campagne agricole fructueuse
Motivé par la volonté de rendre le Sénégal souverain dans tous les domaines, le nouveau gouvernement souhaite particulièrement mettre l’accent sur l’autosuffisance alimentaire. Sous l’impulsion du président Bassirou Diomaye Faye, un tournant décisif a été pris dans le secteur agricole, un pilier crucial de l’économie sénégalaise. En effet, le budget alloué à la campagne agricole de 2024 a été augmenté de 20 %, atteignant désormais 120 milliards de francs CFA.
Les mesures incluent la distribution améliorée de matériel agricole, de semences, d’engrais et de produits phytosanitaires. Un accent particulier est mis sur la transparence des processus et l’efficacité de la chaîne de distribution. L’intégration de l’armée pour la gestion des semences et des engrais, via la réactivation de la cellule logistique militaire, démontre la détermination du gouvernement à optimiser l’agriculture nationale. Par ailleurs, la digitalisation des distributions d’intrants et des formations sur les nouveaux modèles de financement sont en cours de mise en place.
Assises de la justice : vers une réforme profonde
Ces dernières années ont été particulièrement mouvementées au Sénégal. L’élément déclencheur de ces périodes de troubles est la justice, avec l’affaire Ousmane Sonko/Adji Sarr. Dans le but de restaurer l’image de ce pouvoir et de le réconcilier avec le peuple sénégalais, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a initié les Assises de la Justice. Ces concertations, organisées du 28 mai au 4 juin 2024, ont permis d’identifier deux problèmes majeurs : les failles du service public judiciaire et l’inadéquation des structures judiciaires actuelles face aux évolutions culturelles et technologiques.
Les recommandations issues de ces assises ont été remises solennellement au chef de l’État le jeudi 4 juillet. Elles incluent une révision des principaux codes législatifs, tels que le Code de la famille et le Code pénal, ainsi que la modernisation des chaînes judiciaires pour remédier aux longues détentions provisoires et à l’encombrement des prisons. Un accent particulier a également été mis sur la justice commerciale et administrative, avec des réformes visant une plus grande rapidité et la dématérialisation des procédures.
Le secteur de la justice bénéficiera de recrutements massifs et d’une restructuration du Conseil supérieur de la magistrature pour une gestion plus transparente des carrières. La création de nouvelles institutions, telles qu’une cour constitutionnelle et une Haute Autorité de la Justice, ainsi que l’instauration d’un juge des libertés et de la détention, font partie des recommandations visant à renforcer l’efficacité du système judiciaire sénégalais.
Baisse des prix des denrées de première nécessité
Face à l’augmentation du coût de la vie, le gouvernement a décidé de réduire les prix de plusieurs denrées de grande consommation. Le 21 juin 2024, le conseil national de la consommation a officialisé ces baisses, apportant un soulagement notable aux ménages. Le sucre cristallisé est désormais à 600 FCFA le kilogramme, le riz brisé non parfumé à 410 FCFA, et l’huile raffinée a subi une baisse de 100 FCFA par litre. De plus, la baguette de pain de 190 grammes coûte maintenant 150 FCFA, soit 25 FCFA de moins qu’auparavant.
Ces mesures, bien accueillies par la population, visent à alléger la pression sur le budget des ménages. Toutefois, des défis persistent pour garantir l’application effective de ces réductions de prix et assurer leur pérennité, en particulier en ce qui concerne la régulation des marchés et le contrôle des marges des distributeurs. Afin de garantir l’application de ces nouveaux tarifs, le gouvernement a décidé de mettre en place un dispositif de contrôle. Le ministre du Commerce et de l’Industrie, Dr Serigne Guèye Diop, a annoncé que pas moins de 1 000 volontaires et des forces de l’ordre seront déployés sur le terrain pour surveiller les prix. De plus, le ministre a révélé une série de mesures, dont l’obligation de publicité et d’affichage des prix dans toutes les épiceries.
Les ratés : confrontation avec la presse et défis institutionnels
Les relations entre le gouvernement et la presse ont atteint des niveaux de tension dignes des meilleures intrigues politiques. La pièce maîtresse de ce mélodrame n’est autre qu’Ousmane Sonko. Le Premier ministre aux allures de chef d’orchestre dont le discours enflammé au Grand Théâtre a donné l’impression d’une représentation dramatique.
Lors de son apparition, le dimanche 9 juin, Ousmane Sonko a décidé de jouer une partition en avertissant les journalistes sur un ton des plus menaçants. « On ne permettra plus aux médias d’écrire ce qu’ils veulent sur des personnes, au nom d’une soi-disant liberté de la presse, sans aucune source fiable », a-t-il proclamé devant un auditoire de jeunes enthousiastes de son parti, le Pastef. Il réagissait aux informations survenues dans la presse concernant « les dessous » de l’affectation du général Kandé en Inde. Une déclaration qui a eu l’effet d’une bombe dans le paysage médiatique et a provoqué des remous.
La réplique ne s’est pas fait attendre. Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des éditeurs de presse du Sénégal, a saisi l’occasion pour exprimer son désarroi. « Je considère que ce n’est pas le Premier ministre qui s’est exprimé hier. C’est plutôt un leader de parti politique qui a pris la parole. Nous nous prononçons donc sur la posture de l’homme politique et sa compréhension très simpliste des médias. Nous estimons que l’homme politique Ousmane Sonko n’a pas une vision prospective des médias, qui sont un secteur stratégique et névralgique pour le Sénégal », a-t-il déclaré sur les ondes de la TFM, visiblement agacé par ce qu’il perçoit comme une attaque en règle contre la liberté de la presse.
Comme si cela ne suffisait pas, la presse sénégalaise doit désormais faire face à une autre menace : la pression fiscale. Plusieurs comptes de médias, dont ceux du groupe Avenir Communication, dirigé par Madiambal Diagne, et ceux du Groupe Futurs Médias (GFM), ont été gelés. Une véritable douche froide pour ces institutions qui peinent déjà à garder la tête hors de l’eau dans un environnement économique difficile. Et comme pour enfoncer le clou, une circulaire du Premier ministre a été envoyée aux ministres, les enjoignant à « rationaliser les dépenses de l’État ». Dans cette missive, Sonko exige la transmission de documents détaillés et ordonne de « s’abstenir de conclure toute convention jusqu’à nouvel ordre ». Cette mesure est largement perçue comme une tentative de couper les vivres à certains médias qui dépendent de ces fameuses conventions pour leur survie financière.
Déclaration de politique générale : débat sur le lieu !
C’est le sujet qui enflamme la scène politique ces derniers jours. La déclaration de Politique Générale (DPG) d’Ousmane Sonko suscite des débats intenses et pourrait devenir encore plus polémique dans les jours à venir. Le Premier ministre a précisé que la présentation de sa DPG devant l’Assemblée nationale dépend de la mise à jour des dispositions réglementaires liées à son poste, rétabli en 2021. Si aucune modification n’est apportée d’ici au 15 juillet 2024, Sonko envisage de présenter sa DPG devant une assemblée composée de citoyens sénégalais et de partenaires internationaux. Cette perspective a provoqué une vive agitation au sein de la classe politique.
Dans une conférence de presse tenue mardi 2 juillet, Thierno Bocoum a rappelé l’obligation pour le Premier ministre de présenter sa DPG devant l’Assemblée nationale. « S’il choisit de le faire en dehors de l’hémicycle, il commet un coup d’État institutionnel et ne pourra plus exercer en tant que Premier ministre du Sénégal. Il s’agit d’une exigence constitutionnelle, et cela témoignerait d’un manque de respect envers les institutions », a déclaré le président du mouvement AGIR.
Ainsi, les cent premiers jours de la présidence de Bassirou Diomaye Faye montrent une volonté de réforme et d’innovation dans plusieurs domaines clés, notamment l’agriculture, la justice et le coût de la vie. Toutefois, les défis institutionnels et les tensions avec la presse démontrent la complexité de la tâche qui attend le chef de l’Etat pour assurer une gouvernance stable et efficace.