Aux Comores, des jeunes « combattent » avec des pierres la réélection d’Azali

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« Nous combattons »: le visage caché sous un masque chirurgical, ce jeune Comorien d’une vingtaine d’années vient d’échapper à un nouveau jet de gaz lacrymogène des militaires, disparaissant par l’une des ruelles d’un quartier commerçant de Moroni.
 
Dans les rues ruisselantes de pluie de la capitale de l’archipel de l’océan Indien, la plupart des magasins sont restés fermés: des tensions sporadiques entre jeunes et forces de l’ordre se poursuivent jeudi, dans la foulée de l’annonce de la victoire, contestée par l’opposition, du sortant Azali Assoumani à la présidentielle mardi soir.
 
« Nous combattons depuis plus de 24 heures parce que nous ne sommes pas d’accord avec les résultats des élections. C’est pour ça que nous avons brûlé des bâtiments officiels », lance d’un air déterminé le jeune homme à l’AFP, se gardant de donner son nom.
 
La veille, des heurts entre bandes de jeunes et forces de l’ordre se sont multipliés dans plusieurs quartiers de la capitale qui compte quelque 100.000 habitants. Les jets de pierres ont systématiquement déclenché des tirs de gaz lacrymogène.
 
Plusieurs bâtiments ont été vandalisés et incendiés: la maison d’un ministre, des locaux d’une entreprise d’Etat, un entrepôt de riz. Certains ont déchiré des affiches électorales du président réélu Azali.
 
Jeudi matin, les restes de barrages de fortune faits de pierres noires volcaniques et de bouts de bois encombrent encore la chaussée.
 
Plusieurs arrestations ont eu lieu mais aucun détail n’a été rendu public. La contestation est rare dans le pays tenu d’une main de fer, et toute dissidence rapidement étouffée.
 
– « Dictature féroce  » –
 
Un couvre-feu nocturne a été instauré sur les trois îles du pays (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli) mercredi soir et jusqu’à une date indéterminée. « Pour assurer la sécurité publique, la protection des personnes et des biens », selon le ministère de l’Intérieur.
 
Une mesure qui est l’expression « d’une vraie dictature féroce et sauvage », lâche Saïd Mohamed Saïd Tourqui, membre d’un parti d’opposition.
 
La connexion à internet est largement perturbée depuis mercredi, certaines pages n’étant plus accessibles sur les réseaux sociaux.
 
Sur les hauteurs de Moroni, un autre groupe de jeunes hommes mettent au point leur stratégie: « C’est par ici que nous fuirons, nous avons intérêt à laisser cette voie dégagée », argumente l’un d’entre eux, un collier au cou.
 
L’opposition, qui réclame l’annulation du scrutin et dénonce des « fraudes grossières » comme des « bourrages d’urnes », se défend d’être derrière les protestations « spontanées » d’une part de la jeunesse du pays.
 
« Ce n’est pas une contestation organisée mais nous sommes solidaires du mouvement spontané. Nous saluons le courage de ces jeunes. C’est un droit de manifester », souligne l’opposant candidat à la présidentielle, Daoudou Abdallah Mohamed, lors d’un entretien à l’AFP.
 
« Il faut que ce pays redevienne normal. Ce mépris d’Azali Assoumani et ses affidés doit cesser », renchérit un autre candidat de l’opposition, préférant s’exprimer sous couvert d’anonymat.
 
Azali Assoumani a jeté en prison et poussé à l’exil nombre de ses opposants dans sa course au pouvoir. En 2018, il a fait passer une réforme constitutionnelle lui permettant de centraliser les pouvoirs.
 
L’ancien militaire putschiste de 65 ans a été réélu dimanche au premier tour avec 62,97% des voix mais seulement 16,30% de participation au scrutin, selon les chiffres officiels.
 
Cette victoire doit lui permettre de rempiler pour un troisième mandat consécutif et rester au pouvoir jusqu’en 2029.

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