
– Trump est le seul à savoir si les tarifs douaniers resteront en place. S’ils persistent, ils pourraient accélérer le passage à des chaînes d’approvisionnement régionales
L’auteur, Riley Walters, est chercheur principal au Hudson Institute, un groupe de réflexion sur la sécurité nationale et la politique étrangère basé à Washington, DC.
Le président américain Donald Trump a lancé une offensive contre les déficits commerciaux des États-Unis. Le pays a imposé un tarif minimum de 10 % sur toutes les importations entrant sur le territoire américain, avec des droits de douane plus élevés pour les produits provenant de pays où les États-Unis enregistrent des déficits commerciaux. Selon Trump, la raison de ce nouveau « impôt » est simple. Les États-Unis ont accumulé un déficit commercial annuel sur les biens depuis des décennies, un déficit qui a dépassé 1 trillion de dollars chaque année depuis les quatre dernières années. Et son administration estime que cela n’est plus acceptable.
Sa solution est tout aussi simple : imposer des tarifs douaniers sur les importations. Les économistes et les décideurs politiques ont longtemps débattu des politiques appropriées pour traiter les déficits commerciaux. Mais Trump n’est plus intéressé par ces discussions. Il veut réduire le déficit et augmenter immédiatement la production manufacturière aux États-Unis. Trump exige de la rapidité. Et son second mandat doit être perçu comme celui d’une administration résolue à passer à l’action. C’est une approche de « faire d’abord, réfléchir ensuite », et dans le cadre de la politique commerciale américaine, il s’agit de tarifs maintenant et de négociations commerciales plus tard. Le problème pour les marchés mondiaux et les dirigeants mondiaux, c’est qu’en dépit de ces simplifications, il persiste une grande incertitude autour de la politique commerciale des États-Unis et de ce qu’elle signifie pour les économies américaine et mondiale.
– Les effets sur les marchés boursiers
Nous constatons déjà l’effet immédiat de ces incertitudes avec des chutes record des marchés boursiers aux États-Unis et dans les marchés financiers mondiaux. Quelques jours après l’annonce des tarifs douaniers, l’indice S&P 500 aux États-Unis, le FTSE 100 en Europe, le Nikkei 225 au Japon et le Hang Seng à Hong Kong ont tous chuté de plus de 10 %. Cumulativement, ces pertes représentent des trillions de dollars. Les entreprises les plus touchées par ces ventes massives sont les mêmes qui souffriront lorsque les coûts des tarifs se feront sentir. Ce sont de grandes entreprises multinationales qui dépendent de chaînes d’approvisionnement diversifiées à l’échelle mondiale, mais particulièrement de celles situées en Chine et dans le reste de l’Asie. Parmi elles, on retrouve des géants comme Apple, Amazon et NVIDIA, pour n’en citer que quelques-uns. Les entreprises cotées en bourse devront non seulement faire face à ces pertes boursières, mais toutes les entreprises, y compris celles de nature privée, devront désormais naviguer dans de nouvelles chaînes d’approvisionnement mondiales afin de réduire leur exposition aux coûts des tarifs américains. Cela inclut un renforcement des investissements aux États-Unis ou un redéploiement vers des pays avec des tarifs plus bas.
Trump cherche à attirer de nouveaux investissements étrangers aux États-Unis, avec des tarifs conçus pour soutenir cet objectif. Toutefois, même sans ces coûts supplémentaires, l’exploitation aux États-Unis reste plus coûteuse que dans le Sud-Est asiatique ou en Amérique latine. C’est pourquoi la production s’est déplacée vers ces marchés émergents. Avec l’ajout des coûts des tarifs, le prix des importations pourrait augmenter, mais celui de l’exploitation aux États-Unis augmentera également. Les tarifs augmentent généralement les prix pour les producteurs, ce qui pourrait également entraîner une hausse des prix à la consommation. Tout cela exerce une pression supplémentaire sur les consommateurs américains à un moment où les États-Unis semblent se rapprocher d’une récession.
– Les représailles à travers le monde
Les choses deviennent encore plus complexes pour l’économie américaine et pour Trump lorsque d’autres pays, comme la Chine, ou des blocs commerciaux comme l’Union européenne (UE), réagissent en imposant leurs propres tarifs douaniers sur les exportations américaines. Pékin continue de répondre aux tarifs américains par des mesures similaires. Il a également montré une volonté d’utiliser des mesures non liées au commerce pour punir les entreprises américaines, comme en enquêtant sur des sociétés américaines suspectées de pratiques monopolistiques. Les relations commerciales entre les États-Unis et la Chine ne feront que se distancer davantage. Depuis le premier mandat de Trump, et sa guerre commerciale avec la Chine, les entreprises américaines et étrangères ont réduit leur dépendance à la Chine en tant que fournisseur mondial. Ces entreprises ont adopté ce qu’elles appellent une politique « in-China, for-China/ en Chine, pour la Chine », ce qui signifie que leurs chaînes d’approvisionnement situées en Chine ne serviront que le marché chinois. En revanche, leurs chaînes d’approvisionnement en dehors de la Chine s’adresseront aux marchés américains et mondiaux.
Avec les nouveaux tarifs de Trump, les entreprises évoquent désormais une politique « in-America, for-America/ en Amérique, pour l’Amérique ». Cela signifie que les entreprises ne veulent pas renoncer à la grande base de consommateurs des États-Unis, mais que le coût de faire des affaires aux États-Unis dépasse la demande pour les produits américains à l’étranger. Personne, sauf Trump, ne sait véritablement si ces tarifs sont là pour durer ou s’ils seront ouverts à la négociation. Cependant, si ces tarifs persistent longtemps, nous pourrions voir un basculement encore plus marqué des chaînes d’approvisionnement mondiales vers des chaînes d’approvisionnement régionales. En fin de compte, Trump obtiendra ce qu’il veut. Il parvient déjà à amener d’autres pays à la table des négociations. Ceux-ci proposent de réduire leurs barrières commerciales et d’acheter davantage de produits fabriqués aux États-Unis. Certains pays subissent de nouveaux tarifs, malgré des offres intéressantes faites à la Maison Blanche et l’absence de représailles contre ces tarifs. Le déficit commercial pourrait également diminuer. Trump pourrait atteindre son objectif de réduction du déficit commercial, mais pas sans causer une perturbation économique majeure.
* Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale d’Anadolu.