Sénégal : Non, pas vous, monsieur le président !

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Reviens Senghor, ils sont devenus fous !

Fous, ils le sont devenus à l’image d’Ousmane Sonko, qui défie les institutions judiciaires, au point de s’emmurer derrière une « désobéissance civile » pour obéir à son instinct politique, au point de se rebeller contre l’autorité de la chose jugée.

Fous, ils le sont devenus comme ces intellectuels et autres cadres de partis politiques qui incitent à la haine et à la violence, fous comme ces jeunes des quartiers Médina, Colobane, Gueule Tapée, Him Grand Yoff, Point E, qui s’en prennent sans distinguo aux biens publics et privés, pillant commerces et boutiques, saccageant banques et stations-service.

Fous, ils le sont devenus à l’instar du président Macky Sall himself habité par la tentation d’un troisième mandat problématique, qui cultive une ambiguïté coupable sur son rapport à la Constitution et demeure calfeutré dans un mutisme bruyant au moment où un seul mot aurait suffi, sinon à prémunir le Sénégal de la tourmente, du moins à minimiser la tempête sociale et politique qui menace la stabilité de toute la nation.

« Les Sénégalais ne méritent pas ça», se lamentait l’actuel maire de Dakar, Barthélemy Dias, dans une vidéo publiée au lendemain du déclenchement des scènes de violence consécutives à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko dans une affaire de mœurs.

Oui, monsieur le maire, les Sénégalais ne méritent pas ça. Mais l’élite politique sénégalais et ses comparses de l’intelligentsia, de la société civile et de la sphère religieuse, suspectés à tort ou à raison d’instrumentaliser la justice où la jeunesse désœuvrée, méritent de répondre de ce qui vient de s’abattre sur les Sénégalais.

En effet, ne l’oublions pas, à l’origine de ce séisme, dont on ne peut prédire ni la durée ni l’ampleur, se trouvent des ambitions personnelles et par nature égoïstes sur fond de procès politique et de velléités de troisième mandat.

Disons-le tout de suite ! Si M. Sonko, à force de faire dans la surenchère politique au point de lancer des armées de fanatiques depuis son fief de Ziguinchor pour marcher sur Dakar, est comptable de cette chienlit, le président Macky Sall, qui se complaît dans un silence méprisant sur la question de la présidentielle de 2024, l’est davantage.

Certes en bonne démocratie, on ne devrait pas demander à un président exerçant son dernier mandat de dire si oui ou non il respectera le verrou constitutionnel.

Mais au regard d’un certain nombre d’indices, on se demande si le Sénégal, jadis vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest, n’est pas en train de basculer dans le champ des républiques bananières du continent.

Autrement dit, le champion de la coalition Benno Bokk Yakaar ne marche-t-il pas sur la pointe des pieds dans les sillons des vulgaires tripatouilleurs de Constitutions ?

La question mérite d’être posée quand on sait que le chef de l’Etat sénégalais et son camp ne font plus mystère de leurs interprétations aventureuses des effets de la révision constitutionnelle de 2016 ramenant la durée du bail présidentiel de sept à cinq ans.

C’est vrai, le Conseil constitutionnel a estimé que « le mandat en cours du président de la République est hors de portée de la loi nouvelle ».

C’est vrai encore, le juriste français Guillaume Drago, qu’il a consulté en catimini, juge sa candidature recevable pour 2024.

Mais pour autant, briguer un troisième mandat est-il politiquement correct de sa part, lui qui dans les mêmes circonstances en 2011 avait appelé ses compatriotes à descendre dans la rue contre Abdoulaye Wade ?

Monsieur le président, on attendait mieux de votre part.

Le Sénégal mérite mieux de votre part.

Ce pays « qui a connu le multipartisme avant les indépendances », comme vous vous en êtes enorgueilli une fois, cette nation, l’une des premières d’Afrique à être dotée d’institutions électives modernes et dont les premières législatives ont eu lieu le 31 octobre 1848, ce Sénégal dont des représentants ont pris part aux états généraux de la France en 1789 ne doit pas souffrir d’une éclipse de la démocratie.

Alain Saint Robespierre

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