Mali: Pour une bonne gouvernance financière

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Il est dit que plus la gestion des finances publiques (GFP) d’un pays est transparente et efficace, moins les risques fiduciaires paraissent élevés. Donc, une bonne gestion des finances publiques devient importante pour tout pays désireux d’accroître sa croissance. Cela exige évidemment une politique budgétaire axée sur une gestion transparente et ayant à sa base des prestations publiques visant à réduire la pauvreté et à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cette transparence exige aussi qu’un compétent Parlement national contrôle les finances publiques. Il faut souligner qu’une vraie transparence des finances publiques ne peut se faire sans la participation de la population et de la société civile à la structuration du budget national.  Une telle action oblige les autorités à rendre compte de leur action devant les contribuables. Ainsi, ces mêmes contribuables pourront influencer les institutions politiques afin qu’elles servent mieux leurs intérêts, ou revendiquer leurs droits auprès des politiques. C’est avec la réussite de l’application de ces principes de gouvernance au secteur des finances publiques que nous aboutirons à une bonne gouvernance financière.

Le Mali doit être capable de remonter les défis de son développement. Pour cela, nous devons nous engager dans la voie des réformes institutionnelles. Des réformes qui doivent absolument s’imposer pour contribuer au développement de notre pays. Refonder les finances publiques dans un cadre juridique moderne, réformer la gestion budgétaire pour promouvoir la transparence et la bonne gouvernance ainsi que le système de gestion des finances publiques pour soutenir la croissance, et enfin, mettre la gestion des finances publiques au service de la lutte contre la pauvreté, et la corruption, tels sont les objectifs que nous devons nous assigner dans le cadre de la bonne gouvernance financière. La mise en place de cette politique stratégique de la réforme des finances publiques s’inscrit dans notre vision de modernisation des finances publiques en vue d’en faire un outil de développement économique durable.

La réforme des finances publiques telle que conçue dans notre Agenda pour le Renouveau ‘‘Mali Sambalaɲɔ’’s’inscrit dans le contexte de la refondation de l’État et constituent un des points d’application structurants, estimant qu’elle se diffuse sur tous les aspects de la vie nationale pour répondre aux nombreux défis auxquels notre État est confronté en vue de moderniser la gestion publique, de lutter contre la corruption, le gaspillage, et la pauvreté ; et d’assurer, tout à la fois, la compétitivité de l’économie nationale face aux enjeux régionaux et internationaux. Cette réforme vise à ramener notre pays à une époque des finances publiques pour le développement.

La réforme des finances publiques est une nécessité et elle doit résulter d’un processus endogène, défini par les instances politiques et institutionnelles, dont l’initiative, l’application et le suivi incombent en premier lieu à nous et non à nos partenaires ou les institutions de développements. Pour ce faire, il est très urgent de réformer nos cadres. La réforme de nos cadres devra passer par une modernisation de l’administration avec des femmes et des hommes mieux outillés, intègres, et capables de mettre en œuvre et gérer cette réforme institutionnelle qui est d’une grande nécessité pour notre pays.

Évidemment, pour moderniser la gestion des finances publiques nous devons nous engager sur la voie d’une réforme en profondeur de nos structures économiques et financières. Cette réforme doit toucher tant les structures budgétaires que les structures comptables, et ses orientations ne peuvent que se trouver renforcées dans un projet de loi relatif à ce secteur. Elle doit également proposer au secteur public un cadre budgétaire homogène et modernisé, fondé sur des nomenclatures de recettes et de dépenses uniformisées et ce dans le respect des principes d’unité, d’équilibre, d’annualité et de contrôle.

En outre, un cadre comptable assis d’une part sur le principe des droits constatés c’est-à-dire sur un système où les recettes et les dépenses sont prises en compte au moment où l’opération prend naissance, permettant ainsi de mieux cerner le patrimoine de l’État ; d’autre part, sur la base des encaissements et décaissements effectués dans le cadre de l’exécution budgétaire et le contrôle des comptes spéciaux du Trésor. Le projet confirmera et consolidera le principe de séparation des fonctions de l’ordonnateur et du comptable public. Il renforcera les appareils de contrôle liés au système, et réhabilitera le principe du service fait principe fondamental dans la gestion budgétaire. Il s’appuiera sur d’importantes innovations telles que la création d’une haute instance d’inspection générale des finances pouvant consolider les efforts de contrôle des autres organismes du système financier, la systématisation de la comptabilité publique, et outiller les structures de contrôle aux plans juridique et financier.

Il passera aussi à travers d’importants processus tels que la conception d’une nouvelle nomenclature de dépenses publiques, l’application d’une nouvelle nomenclature des ressources de l’État, la mise en place d’un nouveau système informatisé de gestion des dépenses publiques et d’un réseau administratif (intranet) national.

Il est aussi question de plus en plus de décentralisation dans le domaine de la gouvernance. Elle doit évidemment constituer une priorité pour nous. Dans ce contexte, la réforme de la gestion des finances publiques ne peut que s’avérer précieuse si elle est faite à travers une décentralisation adaptée et conduite dans un esprit pragmatique.

Le nouveau système informatisé de gestion des dépenses publiques doit alors s’intégrer à la dynamique de décentralisation de la GFP. Il sera conçu pour l’utilisation de l’ensemble des intervenants. Il doit permettre la mise en réseau de toutes les Institutions publiques concernées par l’exécution budgétaire qui pourront suivre, en temps réel, l’état d’avancement des réquisitions émises, et connaître la balance de leurs allocations et déterminer, avec plus de transparence, le délai de réponse du Ministère de l’Économie et des Finances à leur projet de dépenses.

Le réseau doit, en outre, toucher toutes les institutions et intégrer les directions régionales chargées des finances. Il faut rappeler que ces derniers exécutent le budget de l’État à concurrence des allocations budgétaires transférées en faveur des institutions publiques nationales. Le nouveau système informatisé saura ainsi déléguer des tâches en faveur de nos institutions nationales dans nos régions.

Ce nouveau système se basera sur une comptabilité à parties doubles entraînant pour chaque opération une double inscription et une dépendance des comptes les uns aux autres. Il sera soutenu par un plan général de comptabilité publique qui permettra de mieux harmoniser les informations comptables relatives aux diverses institutions, d’uniformiser, afin d’en faciliter la lecture, les états financiers qui en découlent, tout en restant en harmonie avec les nomenclatures de recettes et de dépenses.

Il importe par ailleurs de mettre en place un contrôle des dépenses publiques, qui permette de faire le lien entre la planification et l’application du budget. Le contrôle des dépenses revêt une importance particulière dans la bonne gouvernance financière. Cette fonction doit relever des instances supérieures de contrôle et de l’Assemblée Nationale, les instances en question seront en principe responsables non pas devant le pouvoir exécutif, mais plutôt devant le pouvoir législatif.

Pour soumettre les fonctions gouvernementales à un véritable contrôle politique et civil, il faut non seulement instituer des cours des comptes indépendants et dotées du personnel adéquat, mais aussi, veiller à ce que l’Assemblée Nationale et la société civile disposent de capacités suffisantes afin de jouer pleinement le rôle qui leur revient.

Il est important de doter notre pays avec un véritable système de gestion des finances publiques qui respecte les bonnes pratiques internationalement reconnues dans ce domaine. Il va sans dire que la GFP est perçue comme une dimension essentielle de la gouvernance et un instrument qui détermine l’efficacité de la coopération au développement. Malgré cela, nous devons contrôler notre coopération avec les institutions de développement et éviter que leurs politiques fiscales ne continuent à créer de profonds déficits structurels dans nos budgets publics, réduire les investissements publics et couper les dépenses importantes pour le développement. Il faut reconnaître que leurs politiques d’ajustement structurel ont profondément miné la croissance et la lutte contre la pauvreté dans nos pays. Notre volonté doit être de mettre la croissance au service de la lutte contre la pauvreté. En effet, le budget public doit être un instrument à même de favoriser la croissance et la réduction de la pauvreté.

L’administration doit faire beaucoup plus d’efforts à financer ses obligations par le prélèvement d’impôts, de taxes et de redevance, afin d’améliorer la transparence et accroître la responsabilité du pouvoir exécutif envers nos citoyens. La mobilisation de ressources compte parmi les tâches clés qui garantissent le financement durable du budget. Outre la réforme organisationnelle et le renforcement des capacités dans l’administration fiscale, il importe aussi d’appuyer la mise en place de systèmes fiscaux axés sur la réduction de la pauvreté. Le pouvoir exécutif doit forcément comprendre qu’il sera toujours responsable de l’utilisation des fonds publics propice au développement devant les contribuables. Les contribuables doivent encore prendre davantage conscience de leur pouvoir d’influer sur les institutions afin de les mettre au service de leurs préoccupations. Or donc, le renforcement de l’efficacité et de la transparence dans l’encaissement de recettes, dans le cadre de la coopération en matière de GFP, peut grandement contribuer à atteindre ces objectifs.

Notre pays passera en situation de post-conflit après les élections. Conséquemment, le renforcement des capacités revêt une importance capitale. Nous devons nous atteler à renforcer l’administration publique pour réduire la fragilité de l’État afin qu’elle puisse offrir un minimum de prestations à ses citoyens dans un premier temps. Retenons que la gestion des finances publiques compte parmi ses fonctions clés car elle permet de garantir à court terme la sécurité et la fourniture de prestations de base, et elle crée à moyen terme les conditions requises pour assurer toute la gamme des prestations publiques. D’autre part, pour respecter l’échéance des OMD, il est crucial de mettre en place une politique économique et budgétaire à long terme axée sur la lutte contre la corruption et le gaspillage, la réduction de la pauvreté et la création de la richesse.

Cheick Boucadry Traoré

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