Malaise dans la famille judiciaire : Jusqu’où iront les magistrats rebelles ?

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Le ministre de la Justice, Mahamadou Kassogué et quelques magistrats difficiles, dont Dramane Diarra, sont à couteaux tirés. Dans une publication, le 22 avril, ce dernier a traité le ministre de la Justice avec des mots très durs. Selon le Garde des Sceaux, certains acteurs de la justice, magistrats et avocats, s’adonnent à des sorties médiatiques intempestives contraires à leur statut et jurant d’avec les règles élémentaires de déontologie notamment l’obligation de réserve et le devoir de retenue. Pour mettre fin à ces agissements, le ministre de la Justice a produit un communiqué annonçant l’ouverture d’une enquête à l’encontre des magistrats rebelles.

Le ministre de la justice a pris la circulaire n°061/Mjdh-SG en date du 03 février 2022 concernant les sorties médiatiques sur les réseaux sociaux et dans la presse, contraires aux principes d’éthique et de déontologie auxquels ils sont astreints, tels qu’ils résultent de la Loi n°02-054 du 16 décembre 2002, modifiée, portant statut de la magistrature.

Dans ladite circulaire, le ministre de la Justice a rappelé que le département prendra toutes les dispositions nécessaires à travers l’Inspection des Services judiciaires et la Direction nationale de l’administration de la justice afin que les contrevenants répondent de leurs actes. Donnant suite à ces prescriptions, il a procédé depuis octobre 2022 à l’avertissement à travers la Direction nationale de l’administration de la justice, du magistrat Dramane Diarra pour des sorties sur les ondes et souvent des médias ou réseaux sociaux en prenant position dans des procédures pendantes devant les juridictions notamment celles concernant l’affaire Issa Kaou Djim.

Et malgré ces mises en garde, les magistrats incriminés continuent à militer activement dans l’espace politique, s’abritant derrière un syndicat de magistrats en l’occurrence «la Référence Syndicale des Magistrats » et une association dénommée « Association malienne des Procureurs et Poursuivants » (Ampp), participent aux activités politiques d’un groupement d’organisations fondamentalement politique et porteur de revendications de nature absolument politique appelé « Appel du 20 février 2023».

Pour Kassogué, ces magistrats dont le comportement est à l’antipode de toutes les règles de déontologie qui gouvernent l’état de magistrat, ont même osé prendre la tête de ce groupement politique avec le poste de coordinateur général attribué au nommé Cheick Mohamed Chérif Koné, président de la Référence Syndicale des Magistrats. Le ministre a signalé que la participation active des magistrats à ce groupement, même avec la couverture syndicale n’est pas conforme à l’éthique et à la déontologie de cette profession, comme spécifiées notamment par les articles 19 et 20 du code de déontologie, 71 de la Loi n°02-054 du 16 décembre 2002 portant statut de la magistrature.

Compte tenu de la gravité de ces actes et des comportements mentionnés, le ministre de la Justice a instruit à l’Inspection des Services judiciaires d’ouvrir des enquêtes sur les agissements de ces magistrats qui sont susceptibles de constituer des fautes professionnelles, disciplinaires ou pénales. Ainsi, le 12 avril 2023, l’Inspecteur en Chef des Services judiciaires a transmis au ministre de la Justice et des Droits de l’Homme le rapport élaboré sur les faits signalés. De l’exploitation dudit rapport, il ressort notamment que les personnes mises en cause ont refusé de répondre aux convocations qui leur avaient été adressées par l’Inspecteur en Chef des Services judiciaires.

Ces faits sont susceptibles de constituer le délit d’opposition à l’autorité légitime prévu et puni par les dispositions de l’article 84 du Code pénal. Relativement à la gestion du dossier d’adhésion à des regroupements politiques, il a déjà procédé à l’avertissement du magistrat Mohamed Saïdou Sene, également membres de la Référence Syndicale des Magistrats et de l’Association malienne des Procureurs et Poursuivants (Ampp).

Donnant suite aux faits constatés dans le rapport d’inspection, le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme informe l’opinion qu’il a non seulement saisi le Conseil supérieur de la Magistrature pour l’ouverture d’une enquête disciplinaire mais aussi ordonné au Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako d’ouvrir une enquête judiciaire contre les susnommés pour opposition à l’autorité légitime et toutes autres infractions que les enquêtes feront découvrir.

En réaction, l’un des magistrats incriminé, Dramane Diarra, a indiqué dans une tribune qu’au-delà de la réaction de l’Association malienne des Procureurs et Poursuivants (Ampp) et de la Référence Syndicale des Magistrats (Refsyma), il a l’opportunité de réagir aux aspects qui le concernent.

Par rapport à l’avertissement, le magistrat Dramane Diarra a affirmé que le ministre a été déjà averti de l’illégalité de sa saisine et de l’incompétence de l’inspection des services judiciaires. «En effet, si vous avez vu ou reçu ce rapport de l’inspection des services judiciaires dont vous vous accaparez, sans discernement, les conclusions, vous devriez avoir constaté que ni le rapport, ni les procès-verbaux le constituant ne portent ma signature. Pour cause, j’ai relevé l’incompétence de l’inspection des services judiciaires à vouloir m’entendre, intuitu personae, en dehors de mon service qu’est la Direction nationale des Affaires judiciaires et du Sceau et l’illégalité de sa saisine par monsieur le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, au moyen des observations transmises à monsieur l’inspecteur en chef des services judiciaires à la date du 16 février 2022 (document joint.) », a-t- il écrit.

En ce qui concerne la mission d’enquête administrative commanditée auprès de l’inspection des services judiciaires sur des faits disciplinaires relevant de la compétence du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et non de l’inspection, Dramane Diarra déplore la confusion de genres.  « Votre association avec les premiers responsables de la Cour Suprême s’est traduite par des violations flagrantes des lois de la République », a souligné le magistrat rebelle.

Nouhoum DICKO

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