Au début de la semaine dernière, le ministère de la Sécurité et de la Protection civile a publié un communiqué provocateur, à la limite ridicule, qui met en évidence un secret de polichinelle : le déphasage entre les décideurs et les vraies préoccupations des populations. En effet, le communiqué alerte sur «un faible niveau de mobilisation…» des citoyens pour l’enrôlement pour obtenir la Carte d’identité biométrique. Et cela, malgré, «la grande campagne de communication faite autour du sujet».
En réalité, les faibles équipes mobilisées dans certains commissariats de Bamako ne parviennent pas à satisfaire même le 1/10 des demandes.
Les pauvres demandeurs sont obligés de se réveiller avant le coq pour se présenter au commissariat dans l’espoir de figurer dans le quota quotidien de 30 à 50 personnes (selon les commissariats) par jour. Et figurer sur la liste n’est pas la fin du calvaire car certaines attendre jusqu’à 17h pour être enfin enrôlées. Le problème est que si l’on fait la vérification en ligne et que tout est bon, on est juste sensé se rendre au Commissariat le plus proche pour faire la photo. Surprise ! L’équipe vous fait reprendre tout le processus. Je me demande alors à quoi sert la vérification en ligne ?
Comment alors interpréter le communiqué du ministère de la Sécurité ? Une méconnaissance de la réalité du terrain ? De la provocation pour se donner bonne conscience ? Une volonté d’anticiper malicieusement sur des interprétations qui ne vont pas manquer de pleuvoir dans les semaines voir les jours à venir ? Ou est-ce que le gouvernement nous prépare déjà psychologiquement au report des prochaines élections ? Et cela d’autant plus que la révision de la loi électorale enclenchée fait de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée l’unique document d’identification admis dans les bureaux de vote.
Toujours est-il que, pour le Malien lambda l’acquisition d’une pièce d’état civil ou d’identité, demeure la croix et la bannière. Il faut non seulement se lever tôt, mais il faut aussi accepter de perdre sa matinée ou sa journée si on n’a pas le bras suffisamment long pour être servi dans des conditions qui devaient normalement profiter à tous les Maliens sans discrimination aucune. Pour obtenir par exemple la carte NINA, de nombreux Maliens ont passé plusieurs nuits à Korofina sans jamais être satisfaits. C’était le même calvaire pour les Maliens de la diaspora qui ne rataient aucune occasion d’interpeller les autorités sur la question.
Et malheureusement, nous assistons au même calvaire avec le début de l’enrôlement pour bénéficier de la carte d’indenté biométrique sécurisée qui doit aussi servir de cartes d’électeurs pour les élections à venir. Il est clair que les moyens déployés sont loin d’être à la hauteur des enjeux de cet enrôlement et surtout du temps avec des équipes et agents généralement jugés «inefficaces» par les demandeurs. Les équipes que j’ai vues à l’oeuvre sont submergées. Si on veut réellement booster le processus d’enrôlement biométrique, il faut mettre les moyens adéquats en déployant des équipes étoffées même dans les centres secondaires d’état civil.
Nous avons l’habitude de rappeler à nos décideurs que ce n’est pas responsable de rendre obligatoire un document pour toutes les démarches administratives et maintenant politiques alors qu’on ne s’est pas donné les moyens de les mettre à la portée des citoyens dans des conditions aisées et respectueuses… La souveraineté, c’est aussi faire la politique de ses moyens.
Il faut le dire, le Mali Kura ne doit pas s’accommoder d’une telle situation révoltante, des citoyens obligés de se réveiller avant l’aube et de sacrifier des journées pour juste avoir une pièce d’identité. Un pays qui se respecte et qui a réellement envie de rivaliser avec les autres sur le terrain de l’émergence (politique, économique, sociale, culturelle, sportive…), doit pouvoir délivrer des pièces d’identité à ses citoyens sans que cela engendre une perte de temps ou de gain ainsi que la corruption !
Moussa Bolly