L’actualité sur la presse a été marquée ces derniers jours par deux tristes faits majeurs. Le premier concerne deux journaux bien connus, une entreprise médiatique digne de ce nom qui annonce la suspension de ses publications : Stades et Sunu Lamb. Le deuxième concerne un torchon que l’autorité devait tout suite interdire de parution et définitivement rayé de la liste des publications médiatiques. Il s’agit du quotidien Le Point. Qualifier ce support de journal ou bien même le ranger dans la catégorie des publications médiatiques relève déjà d’une insulte contre la presse et les journalistes.
Mais comment nommer ces tabloïds ?
Revenons aux faits. Dans sa parution du mercredi 31 juillet, Le Point a mis à la Une un ‘’article’’ particulièrement accablant contre le général Cheikh Sène. Le quotidien accuse le général d’avoir voulu faire la peau à l’opposant Ousmane Sonko, d’avoir distillé de fausses informations au président Macky Sall. Selon le journal, Ousmane Sonko doit sa survie au militaire qui était ce jour-là en faction à l’hôpital principal pour avoir refusé d’exécuter l’ordre du général. Dans cette édition, Le Point considère le général comme le « principal artisan du massacre qui a eu lieu entre 2021 et 2023 ». Bref, le général Cheikh Sène est peint comme le diable en tenue militaire.
Dans l’édition du lundi 5 août, changement de ton total, retournement de situation spectaculaire. Ici, le général n’est pas loin d’un ange. Il est bon à tout point de vue. Il « a fait preuve de probité à la tête de la délégation au renseignement national ». Ce ‘’fin connaisseur’’ du renseignement a commandé la gendarmerie avec ‘’rigueur et méthode’’. Mais pourquoi alors ces deux visages du général ?
Selon Le Point, Cheikh Sène « a été, ces derniers jours, victime d’une campagne de désinformation et de destruction de son image ». Allez savoir par qui. Car cette publication n’a rien à se reprocher. Au contraire, il est même le chevalier blanc chargé de redresser le tort. Ainsi, ce quotidien titre à la Une : ‘’Le Point rétablit les vérités’’. Comprenez par là que Le Point rétablit les vérités après les mensonges de Le Point. Le serpent qui se mord la queue. Les amateurs du football parleraient d’un but contre son camp.
Il y a seulement quelques jours, le Premier ministre parlait de la nécessité de réguler les réseaux sociaux. C’est encore plus urgent dans les médias. Non seulement les vrais professionnels risquent de quitter le navire, comme c’est le cas de Africom, mais la racaille va aussi prendre place et conforter sa position. On risque d’assister à un grand remplacement dans la presse. Les vrais professionnels seront confinés, ils seront les étrangers parmi les leurs, pour paraphraser Sidy Lamine Niass.
Les champions de la calomnie, de la diffamation, de l’injure…
Dans une chronique consacrée à ces torchons que nous avions surnommés ‘’la nouvelle racaille de la presse sénégalaise’’, nous avions parié sur leur disparition après la présidentielle.
Nous sommes passés totalement à côté. Ces publications survivent encore et vont continuer à porter atteinte à l’image de la presse. La raison est simple et tient à son ‘’modèle économique’’. Excusez-nous de considérer cela comme un modèle économique ; il nous manque les mots pour qualifier ce qui se passe.
En fait, voilà des publications qui ne demandent pas plus de deux personnes. Ils n’ont besoin ni de locaux, ni de voiture de reportage, encore moins de frais d’impression ou de carburant. L’essentiel des papiers sont des reprises. Et la Une est réservée à ce que ces publications savent faire le mieux : calomnier, diffamer, injurier, insulter ou alors chanter des louanges en fonction de la commande du client du jour. Lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux, il y a au moins une personne dûment identifiée. Mais quand il s’agit d’un prétendu journal, c’est toute la presse qui est accusée, incriminée, vilipendée.
Si tant est que la volonté des nouvelles autorités est d’assainir, il est temps de mettre en place un cadre légal et un environnement économique qui favorise la qualité et filtre les déchets. Malheureusement, pour l’instant, il est beaucoup plus question de menaces, de Fisc, de blocage de comptes bancaires, d’expulsion de la Tnt et d’arrêt des conventions. Certes, la presse doit payer des impôts comme tous les secteurs, certaines conventions doivent être arrêtées immédiatement, car les deniers publics n’ont pas pour vocation de financer la presse. L’argent du contribuable doit être sacré.
Mais en même temps, l’Etat doit éviter cette fiscalité punitive et surtout poser des actes qui vont dans le sens d’aider la presse, de la réguler, de l’assainir pour que des publications comme Le Point ne puissent pas avoir droit de cité.
Ps : les accusations contre Emédia ne sont pas moins intéressantes. Elles posent surtout la liberté ou l’indépendance de la presse face aux politiques et aux lobbies économiques. D’où le besoin de transparence dans le capital des entreprises de presse. Un vrai chantier au vu de l’opacité qui règne dans ce secteur.
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