Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que les 24 mois promis par les autorités de la transition au Mali ne seront plus respectés. Sans le dire publiquement et officiellement, avec le projet de loi portant modification de la loi électorale adopté en conseil des ministres du mercredi 15 février 2023, l’on s’achemine irréductiblement vers une prolongation de la durée de la transition au Mali. Cette situation pour le moins ubuesque entrainera forcement des conséquences tant sur le plan national que sous régional, voir international, car les autorités de la transition au Mali se sont engagées à respecter le délai de 24 mois. Quelle sera la réaction de la classe politique malienne en cas de prolongation de la transition ? Le Mali ne risquera-t-il pas d’être de nouveau sanctionné par la CEDEAO et l’Union Africaine ? Et si une nouvelle transition avec des nouvelles autorités était envisageable.
Quand on affirmait avec force conviction que le premier ennemi de la transition n’était autre chose que le temps, l’on n’y croyait pas, mais nous voici en face de la réalité. Les autorités de la transition ont passé le clair de leur temps, à se brouiller avec la France, l’Union Africaine, la CEDEAO, et même avec certains pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Niger, en reléguant au second plan les priorités. Le bilan de la transition, selon le PM Choguel K Maiga se résume à l’expulsion de l’ambassadeur de France, à celle du porte-parole de la MINUSMA, à la fermeture de deux médias étrangers, à aller défier le monde à la tribune des Nations Unies, à suspendre les activités de certaines ONG, pour ne citer que ces quelques éléments. En effet, dans son exercice favori le seul point positif du squelettique bilan est l’achat des équipements militaires pour les forces de défense et de sécurité. Les autres priorités ont été reléguées au second plan. Aujourd’hui le Mali est devenu la risée de ses voisins de la CEDEAO et du monde entier, car il n’est pas à mesure de respecter le chronogramme qu’il a librement et souverainement proposé à la face du monde. Il est clair que la Transition sera prolongée après l’adoption du projet de Loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale. Si cette loi venait à être votée par le Conseil National de transition qui fait office de parlement, elle aura des répercussions sur le chronogramme, comme en atteste d’ailleurs le communiqué du conseil des ministres du mercredi 15 février 2023 dont voici un extrait:
« La mise en œuvre du chronogramme publié pour le référendum et les élections générales, tous prévus au cours de l’année 2023, sauf l’élection du Président de la République, dont le premier tour doit avoir lieu le dimanche 4 février 2024, révèle quelques contraintes relatives, notamment : au respect du délai de mise en place des Coordinations de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections que la loi fixe à six (06) mois avant les élections ; à la volonté des plus hautes autorités d’instituer le vote par anticipation des membres des Forces Armées et de Sécurité, en vue de leur permettre d’accomplir leur mission de sécurisation du territoire le jour du scrutin ; à l’organisation du vote des déplacés internes ; à la nécessité de mettre à jour le fichier électoral suite aux actions d’organisation territoriale ou administrative ;à l’institution de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme carte d’électeur, en substitution à la carte d’électeur biométrique ; à la correction d’erreurs matérielles, le remplacement de la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée, comme l’unique document d’identification admis dans le bureau de vote. »
Rien qu’en se référant à ces immenses tâches à accomplir et au regard de la maigreur des moyens financiers, on en conclurait que la transition serait prolongée. Et un tel scénario serait porteur de tous les risques, à commencer par la classe politique malienne et même la société civile qui ne s’accommoderaient jamais d’une telle situation. Donc elles seraient prête à battre le macadam pour demander le départ des autorités actuelles pour incompétence afin qu’il y ait une nouvelle équipe dirigeante avec un nouveau chronogramme. Ensuite l’épée de Damoclès de la CEDEAO qui est suspendu au-dessus de la tête du Mali risque fort de s’abattre sur lui au grand dam du peuple malien. L’organisation sous régionale verrait d’un mauvais œil une nouvelle prolongation et sanctionnerait sans nul doute le pays du Colonel Assimi Goïta. L’Union Africaine et même l’ONU emboiteront le pas à la CEDEAO. Comme pour dire que le Mali n’est pas à l’abri d’une autre situation à la fois confuse et dramatique.
En définitive, les autorités maliennes pouvaient éviter cette situation si elles n’avaient pas ouvert trop de fronts pour en être incapable d’en fermer un seul, d’où ce retard dans l’exécution du chronogramme. Face à un tel imbroglio politique la solution passera par une large concertation afin de convenir d’un schéma consensuel, même si cela devrait passer par une reconfiguration des organes de la transition, Gouvernement, CNT. Le plutôt serait le mieux.