Le pétrole et le gaz sont une chose, l’atome en est une autre.
Nous avons, cet hiver, beaucoup entendu parler des énergies russes. Nous avons nous-mêmes abondamment traité de ces hydrocarbures et leurs produits raffinés par lesquels elles tiennent le monde, et en particulier une Europe fort dépendante à qui l’on ne donnait pas cher de la peau.
Il semble, du moins pour l’instant, que la «militarisation» du gaz et du pétrole par Vladimir Poutine soit un échec pour Moscou, dont les finances publiques commencent à souffrir.
Nous avons en revanche peu parlé du nucléaire, un secteur dans lequel Moscou excelle, ni des sanctions qui lui ont été appliquées par l’Occident. Et pour cause: le nucléaire russe, pourtant une source importante de revenus pour le régime donc de financement pour sa guerre en Ukraine, est passé au travers des mailles du filet.
Car si l’aliénation du monde et de l’Occident aux hydrocarbures russes commence à être bien connue, il est facile d’oublier qu’ils sont également fortement dépendants de l’atome russe, qu’il s’agisse de centrales fabriquées par le groupe national Rosatom ou de carburant nucléaire.
Se passer du gaz et pétrole ou du diesel de Moscou est un déchirement, mais se passer de ses technologies et matières premières atomiques serait trop coûteux et trop complexe.
Ce qui permet à la Russie, ainsi que l’explique un article de Bloomberg sur la question, de continuer sans inquiétude son business de l’atome, d’amasser contrats et finances, de raffermir sa position internationale déjà forte dans le secteur et, surtout, de tisser une toile de relations politiques et diplomatiques fortes, qui s’établissent nécessairement sur le long terme.
Make yourself atom
Bloomberg explique ainsi que le Royal United Services Institute (RUSI) a calculé que le commerce de centrales, technologies et carburants atomiques russes avait augmenté de 20% en 2022, donc en pleine guerre menée à l’Ukraine, un chiffre ne prenant même pas en compte les échanges avec des pays sous régime de sanctions comme l’Iran.
Plus fort encore: selon l’institut britannique, les échanges avec les pays de l’Union européenne ne se sont pas aussi bien portés depuis trois ans. Des nations pourtant membres de l’OTAN, comme la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie ou la Slovaquie, n’ont eu d’autre choix que de continuer à faire appel aux services et produits de Rosatom. Et les États-Unis? Ils en croquent aussi.
«Rosatom fournit à peu près un cinquième de l’uranium enrichi nécessaire pour les quatre-vingt-douze réacteurs situés aux États-Unis. En Europe, des centrales produisant de l’électricité pour 100 millions de personnes dépendent de l’entreprise», écrit Jonathan Tirone pour Bloomberg. Comme l’avait expliqué un excellent article de Pierre Breteau pour Le Monde, l’indépendance énergétique, souvent vantée lorsqu’il s’agit de l’énergie atomique, est donc une chimère.
Car lorsqu’il s’agit de l’atome et de technologies nucléaires, les filières d’approvisionnement, d’aide technique en continu et les relations entre les nations qui se tissent nécessairement autour de ces échanges énergétiques vitaux sont aussi complexes à mettre en place qu’à dénouer.
Même l’Ukraine, qui a pourtant maille à partir avec la Russie autour de ses centrales atomiques (Tchernobyl ou Zaporijia) depuis le début de l’invasion du 24 février 2022, reste dépendante de son voisin devenu ennemi en attendant de pouvoir intégralement se fournir chez l’Américain Westinghouse.
Il suffit de se rendre sur le site officiel de Rosatom, dont les chiffres sont certes à prendre avec quelques pincettes, pour comprendre à quel point la Russie maîtrise le sujet, en partie parce qu’elle n’a jamais cessé d’investir dans l’atome après l’effondrement de l’URSS, quand d’autres commençaient déjà à regarder ailleurs.
La firme russe explique ainsi avec fierté être à la première position «pour la taille du carnet de commandes à l’étranger (trente-cinq unités de production dans douze pays à différents stades de mise en œuvre)», ainsi que pour l’enrichissement de l’uranium, et à la seconde pour les réserves et l’extraction du précieux métal.
Faux paria
En Égypte avec une première centrale nucléaire historique, en Turquie avec l’usine d’Akkuyu, projet phare de Recep Tayyip Erdoğan, en Iran et en jonglant avec la situation internationale précaire de la République islamique, dans la Hongrie de Viktor Orbán avec la construction prochaine de deux unités atomiques flambant neuves, en Chine avec des projets qui inquiètent fortement les États-Unis, en Afrique du Sud peut-être bientôt, Rosatom tisse sa toile et renforce son business, partout et vaille que vaille.
Comme l’explique Bloomberg, ces relations ne sont pas de simples contrats commerciaux, loin de là. Ce qui se joue ici en partie est la position de la Russie dans le monde pour des décennies: nouer un partenariat autour du nucléaire signifie entamer une relation technologique, diplomatique et financière qui ne peut se réfléchir que sur le lon -terme.
Souvent, la Russie finance elle-même les prêts nécessaires pour entamer les projets, comme ce fut le cas en Hongrie où elle a prêté 80% des 10 milliards de dollars nécessaires à la construction des centrales.
C’est donc à Moscou qu’il faudra rembourser ces emprunts, et c’est à Rosatom qu’il faudra payer sur des années le carburant et son enrichissement, la formation des équipes, l’entretien ou les mises à jour techniques des centrales.
Source: https://korii.slate.fr/Le pétrole et le gaz sont une chose, l’atome en est une autre.
Nous avons, cet hiver, beaucoup entendu parler des énergies russes. Nous avons nous-mêmes abondamment traité de ces hydrocarbures et leurs produits raffinés par lesquels elles tiennent le monde, et en particulier une Europe fort dépendante à qui l’on ne donnait pas cher de la peau.
Il semble, du moins pour l’instant, que la «militarisation» du gaz et du pétrole par Vladimir Poutine soit un échec pour Moscou, dont les finances publiques commencent à souffrir.
Nous avons en revanche peu parlé du nucléaire, un secteur dans lequel Moscou excelle, ni des sanctions qui lui ont été appliquées par l’Occident. Et pour cause: le nucléaire russe, pourtant une source importante de revenus pour le régime donc de financement pour sa guerre en Ukraine, est passé au travers des mailles du filet.
Car si l’aliénation du monde et de l’Occident aux hydrocarbures russes commence à être bien connue, il est facile d’oublier qu’ils sont également fortement dépendants de l’atome russe, qu’il s’agisse de centrales fabriquées par le groupe national Rosatom ou de carburant nucléaire.
Se passer du gaz et pétrole ou du diesel de Moscou est un déchirement, mais se passer de ses technologies et matières premières atomiques serait trop coûteux et trop complexe.
Ce qui permet à la Russie, ainsi que l’explique un article de Bloomberg sur la question, de continuer sans inquiétude son business de l’atome, d’amasser contrats et finances, de raffermir sa position internationale déjà forte dans le secteur et, surtout, de tisser une toile de relations politiques et diplomatiques fortes, qui s’établissent nécessairement sur le long terme.
Make yourself atom
Bloomberg explique ainsi que le Royal United Services Institute (RUSI) a calculé que le commerce de centrales, technologies et carburants atomiques russes avait augmenté de 20% en 2022, donc en pleine guerre menée à l’Ukraine, un chiffre ne prenant même pas en compte les échanges avec des pays sous régime de sanctions comme l’Iran.
Plus fort encore: selon l’institut britannique, les échanges avec les pays de l’Union européenne ne se sont pas aussi bien portés depuis trois ans. Des nations pourtant membres de l’OTAN, comme la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie ou la Slovaquie, n’ont eu d’autre choix que de continuer à faire appel aux services et produits de Rosatom. Et les États-Unis? Ils en croquent aussi.
«Rosatom fournit à peu près un cinquième de l’uranium enrichi nécessaire pour les quatre-vingt-douze réacteurs situés aux États-Unis. En Europe, des centrales produisant de l’électricité pour 100 millions de personnes dépendent de l’entreprise», écrit Jonathan Tirone pour Bloomberg. Comme l’avait expliqué un excellent article de Pierre Breteau pour Le Monde, l’indépendance énergétique, souvent vantée lorsqu’il s’agit de l’énergie atomique, est donc une chimère.
Car lorsqu’il s’agit de l’atome et de technologies nucléaires, les filières d’approvisionnement, d’aide technique en continu et les relations entre les nations qui se tissent nécessairement autour de ces échanges énergétiques vitaux sont aussi complexes à mettre en place qu’à dénouer.
Même l’Ukraine, qui a pourtant maille à partir avec la Russie autour de ses centrales atomiques (Tchernobyl ou Zaporijia) depuis le début de l’invasion du 24 février 2022, reste dépendante de son voisin devenu ennemi en attendant de pouvoir intégralement se fournir chez l’Américain Westinghouse.
Il suffit de se rendre sur le site officiel de Rosatom, dont les chiffres sont certes à prendre avec quelques pincettes, pour comprendre à quel point la Russie maîtrise le sujet, en partie parce qu’elle n’a jamais cessé d’investir dans l’atome après l’effondrement de l’URSS, quand d’autres commençaient déjà à regarder ailleurs.
La firme russe explique ainsi avec fierté être à la première position «pour la taille du carnet de commandes à l’étranger (trente-cinq unités de production dans douze pays à différents stades de mise en œuvre)», ainsi que pour l’enrichissement de l’uranium, et à la seconde pour les réserves et l’extraction du précieux métal.
Faux paria
En Égypte avec une première centrale nucléaire historique, en Turquie avec l’usine d’Akkuyu, projet phare de Recep Tayyip Erdoğan, en Iran et en jonglant avec la situation internationale précaire de la République islamique, dans la Hongrie de Viktor Orbán avec la construction prochaine de deux unités atomiques flambant neuves, en Chine avec des projets qui inquiètent fortement les États-Unis, en Afrique du Sud peut-être bientôt, Rosatom tisse sa toile et renforce son business, partout et vaille que vaille.
Comme l’explique Bloomberg, ces relations ne sont pas de simples contrats commerciaux, loin de là. Ce qui se joue ici en partie est la position de la Russie dans le monde pour des décennies: nouer un partenariat autour du nucléaire signifie entamer une relation technologique, diplomatique et financière qui ne peut se réfléchir que sur le lon -terme.
Souvent, la Russie finance elle-même les prêts nécessaires pour entamer les projets, comme ce fut le cas en Hongrie où elle a prêté 80% des 10 milliards de dollars nécessaires à la construction des centrales.
C’est donc à Moscou qu’il faudra rembourser ces emprunts, et c’est à Rosatom qu’il faudra payer sur des années le carburant et son enrichissement, la formation des équipes, l’entretien ou les mises à jour techniques des centrales.
Source: https://korii.slate.fr/Le pétrole et le gaz sont une chose, l’atome en est une autre.
Nous avons, cet hiver, beaucoup entendu parler des énergies russes. Nous avons nous-mêmes abondamment traité de ces hydrocarbures et leurs produits raffinés par lesquels elles tiennent le monde, et en particulier une Europe fort dépendante à qui l’on ne donnait pas cher de la peau.
Il semble, du moins pour l’instant, que la «militarisation» du gaz et du pétrole par Vladimir Poutine soit un échec pour Moscou, dont les finances publiques commencent à souffrir.
Nous avons en revanche peu parlé du nucléaire, un secteur dans lequel Moscou excelle, ni des sanctions qui lui ont été appliquées par l’Occident. Et pour cause: le nucléaire russe, pourtant une source importante de revenus pour le régime donc de financement pour sa guerre en Ukraine, est passé au travers des mailles du filet.
Car si l’aliénation du monde et de l’Occident aux hydrocarbures russes commence à être bien connue, il est facile d’oublier qu’ils sont également fortement dépendants de l’atome russe, qu’il s’agisse de centrales fabriquées par le groupe national Rosatom ou de carburant nucléaire.
Se passer du gaz et pétrole ou du diesel de Moscou est un déchirement, mais se passer de ses technologies et matières premières atomiques serait trop coûteux et trop complexe.
Ce qui permet à la Russie, ainsi que l’explique un article de Bloomberg sur la question, de continuer sans inquiétude son business de l’atome, d’amasser contrats et finances, de raffermir sa position internationale déjà forte dans le secteur et, surtout, de tisser une toile de relations politiques et diplomatiques fortes, qui s’établissent nécessairement sur le long terme.
Make yourself atom
Bloomberg explique ainsi que le Royal United Services Institute (RUSI) a calculé que le commerce de centrales, technologies et carburants atomiques russes avait augmenté de 20% en 2022, donc en pleine guerre menée à l’Ukraine, un chiffre ne prenant même pas en compte les échanges avec des pays sous régime de sanctions comme l’Iran.
Plus fort encore: selon l’institut britannique, les échanges avec les pays de l’Union européenne ne se sont pas aussi bien portés depuis trois ans. Des nations pourtant membres de l’OTAN, comme la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie ou la Slovaquie, n’ont eu d’autre choix que de continuer à faire appel aux services et produits de Rosatom. Et les États-Unis? Ils en croquent aussi.
«Rosatom fournit à peu près un cinquième de l’uranium enrichi nécessaire pour les quatre-vingt-douze réacteurs situés aux États-Unis. En Europe, des centrales produisant de l’électricité pour 100 millions de personnes dépendent de l’entreprise», écrit Jonathan Tirone pour Bloomberg. Comme l’avait expliqué un excellent article de Pierre Breteau pour Le Monde, l’indépendance énergétique, souvent vantée lorsqu’il s’agit de l’énergie atomique, est donc une chimère.
Car lorsqu’il s’agit de l’atome et de technologies nucléaires, les filières d’approvisionnement, d’aide technique en continu et les relations entre les nations qui se tissent nécessairement autour de ces échanges énergétiques vitaux sont aussi complexes à mettre en place qu’à dénouer.
Même l’Ukraine, qui a pourtant maille à partir avec la Russie autour de ses centrales atomiques (Tchernobyl ou Zaporijia) depuis le début de l’invasion du 24 février 2022, reste dépendante de son voisin devenu ennemi en attendant de pouvoir intégralement se fournir chez l’Américain Westinghouse.
Il suffit de se rendre sur le site officiel de Rosatom, dont les chiffres sont certes à prendre avec quelques pincettes, pour comprendre à quel point la Russie maîtrise le sujet, en partie parce qu’elle n’a jamais cessé d’investir dans l’atome après l’effondrement de l’URSS, quand d’autres commençaient déjà à regarder ailleurs.
La firme russe explique ainsi avec fierté être à la première position «pour la taille du carnet de commandes à l’étranger (trente-cinq unités de production dans douze pays à différents stades de mise en œuvre)», ainsi que pour l’enrichissement de l’uranium, et à la seconde pour les réserves et l’extraction du précieux métal.
Faux paria
En Égypte avec une première centrale nucléaire historique, en Turquie avec l’usine d’Akkuyu, projet phare de Recep Tayyip Erdoğan, en Iran et en jonglant avec la situation internationale précaire de la République islamique, dans la Hongrie de Viktor Orbán avec la construction prochaine de deux unités atomiques flambant neuves, en Chine avec des projets qui inquiètent fortement les États-Unis, en Afrique du Sud peut-être bientôt, Rosatom tisse sa toile et renforce son business, partout et vaille que vaille.
Comme l’explique Bloomberg, ces relations ne sont pas de simples contrats commerciaux, loin de là. Ce qui se joue ici en partie est la position de la Russie dans le monde pour des décennies: nouer un partenariat autour du nucléaire signifie entamer une relation technologique, diplomatique et financière qui ne peut se réfléchir que sur le lon -terme.
Souvent, la Russie finance elle-même les prêts nécessaires pour entamer les projets, comme ce fut le cas en Hongrie où elle a prêté 80% des 10 milliards de dollars nécessaires à la construction des centrales.
C’est donc à Moscou qu’il faudra rembourser ces emprunts, et c’est à Rosatom qu’il faudra payer sur des années le carburant et son enrichissement, la formation des équipes, l’entretien ou les mises à jour techniques des centrales.
Source: https://korii.slate.fr/Le pétrole et le gaz sont une chose, l’atome en est une autre.
Nous avons, cet hiver, beaucoup entendu parler des énergies russes. Nous avons nous-mêmes abondamment traité de ces hydrocarbures et leurs produits raffinés par lesquels elles tiennent le monde, et en particulier une Europe fort dépendante à qui l’on ne donnait pas cher de la peau.
Il semble, du moins pour l’instant, que la «militarisation» du gaz et du pétrole par Vladimir Poutine soit un échec pour Moscou, dont les finances publiques commencent à souffrir.
Nous avons en revanche peu parlé du nucléaire, un secteur dans lequel Moscou excelle, ni des sanctions qui lui ont été appliquées par l’Occident. Et pour cause: le nucléaire russe, pourtant une source importante de revenus pour le régime donc de financement pour sa guerre en Ukraine, est passé au travers des mailles du filet.
Car si l’aliénation du monde et de l’Occident aux hydrocarbures russes commence à être bien connue, il est facile d’oublier qu’ils sont également fortement dépendants de l’atome russe, qu’il s’agisse de centrales fabriquées par le groupe national Rosatom ou de carburant nucléaire.
Se passer du gaz et pétrole ou du diesel de Moscou est un déchirement, mais se passer de ses technologies et matières premières atomiques serait trop coûteux et trop complexe.
Ce qui permet à la Russie, ainsi que l’explique un article de Bloomberg sur la question, de continuer sans inquiétude son business de l’atome, d’amasser contrats et finances, de raffermir sa position internationale déjà forte dans le secteur et, surtout, de tisser une toile de relations politiques et diplomatiques fortes, qui s’établissent nécessairement sur le long terme.
Make yourself atom
Bloomberg explique ainsi que le Royal United Services Institute (RUSI) a calculé que le commerce de centrales, technologies et carburants atomiques russes avait augmenté de 20% en 2022, donc en pleine guerre menée à l’Ukraine, un chiffre ne prenant même pas en compte les échanges avec des pays sous régime de sanctions comme l’Iran.
Plus fort encore: selon l’institut britannique, les échanges avec les pays de l’Union européenne ne se sont pas aussi bien portés depuis trois ans. Des nations pourtant membres de l’OTAN, comme la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie ou la Slovaquie, n’ont eu d’autre choix que de continuer à faire appel aux services et produits de Rosatom. Et les États-Unis? Ils en croquent aussi.
«Rosatom fournit à peu près un cinquième de l’uranium enrichi nécessaire pour les quatre-vingt-douze réacteurs situés aux États-Unis. En Europe, des centrales produisant de l’électricité pour 100 millions de personnes dépendent de l’entreprise», écrit Jonathan Tirone pour Bloomberg. Comme l’avait expliqué un excellent article de Pierre Breteau pour Le Monde, l’indépendance énergétique, souvent vantée lorsqu’il s’agit de l’énergie atomique, est donc une chimère.
Car lorsqu’il s’agit de l’atome et de technologies nucléaires, les filières d’approvisionnement, d’aide technique en continu et les relations entre les nations qui se tissent nécessairement autour de ces échanges énergétiques vitaux sont aussi complexes à mettre en place qu’à dénouer.
Même l’Ukraine, qui a pourtant maille à partir avec la Russie autour de ses centrales atomiques (Tchernobyl ou Zaporijia) depuis le début de l’invasion du 24 février 2022, reste dépendante de son voisin devenu ennemi en attendant de pouvoir intégralement se fournir chez l’Américain Westinghouse.
Il suffit de se rendre sur le site officiel de Rosatom, dont les chiffres sont certes à prendre avec quelques pincettes, pour comprendre à quel point la Russie maîtrise le sujet, en partie parce qu’elle n’a jamais cessé d’investir dans l’atome après l’effondrement de l’URSS, quand d’autres commençaient déjà à regarder ailleurs.
La firme russe explique ainsi avec fierté être à la première position «pour la taille du carnet de commandes à l’étranger (trente-cinq unités de production dans douze pays à différents stades de mise en œuvre)», ainsi que pour l’enrichissement de l’uranium, et à la seconde pour les réserves et l’extraction du précieux métal.
Faux paria
En Égypte avec une première centrale nucléaire historique, en Turquie avec l’usine d’Akkuyu, projet phare de Recep Tayyip Erdoğan, en Iran et en jonglant avec la situation internationale précaire de la République islamique, dans la Hongrie de Viktor Orbán avec la construction prochaine de deux unités atomiques flambant neuves, en Chine avec des projets qui inquiètent fortement les États-Unis, en Afrique du Sud peut-être bientôt, Rosatom tisse sa toile et renforce son business, partout et vaille que vaille.
Comme l’explique Bloomberg, ces relations ne sont pas de simples contrats commerciaux, loin de là. Ce qui se joue ici en partie est la position de la Russie dans le monde pour des décennies: nouer un partenariat autour du nucléaire signifie entamer une relation technologique, diplomatique et financière qui ne peut se réfléchir que sur le lon -terme.
Souvent, la Russie finance elle-même les prêts nécessaires pour entamer les projets, comme ce fut le cas en Hongrie où elle a prêté 80% des 10 milliards de dollars nécessaires à la construction des centrales.
C’est donc à Moscou qu’il faudra rembourser ces emprunts, et c’est à Rosatom qu’il faudra payer sur des années le carburant et son enrichissement, la formation des équipes, l’entretien ou les mises à jour techniques des centrales.
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