C’est cet « État pastefien », dont parle M. Tine, a pris des mesures drastiques pour mettre un terme à la boulimie foncière, mis la pression sur les entreprises qui ne payent pas l’impôt, annoncé une reddition des comptes et posé des actes forts pour réconcilier la justice avec les populations. Ce même Etat a, par ailleurs, confié les postes de hautes responsabilités à ses propres lieutenants. Ce, malgré les fortes promesses électorales de procéder à des appels à candidature pour certaines stations. Cette idée fortement agitée suscitait beaucoup d’espoir, car elle devait s’inscrire dans une perspective de rupture. Ce serait une première dans l’histoire du Sénégal que de si de hautes responsabilités puissent être soumises à des appels d’offres, au détriment d’un système archaïque qui se préoccupait davantage du clientélisme politique, une avancée majeure pour la bonne gouvernance et la transparence. Finalement, tous ceux qui y croyaient ont dû déchanter : Le duo Sonko-Diomaye a placé ses hommes, technocrates ou politiciens, « patriotes » ou anciens barons du système.
Là aussi, il semble qu’on ne puisse point reprocher au chef de l’Etat, qui dispose des pouvoirs constitutionnels de nommer aux emplois civils et militaires, de miser sur les compétences de son parti surtout que celles-ci ont payé le prix fort de la révolution et sont engagées à mettre en œuvre le « Projet ». C’est une exigence de la gestion des affaires publiques.
Après son éclatante victoire en mars 2012, face à son ex-mentor Abdoulaye Wade, Macky Sall n’avait-il pas promis aux Sénégalais « la patrie avant le parti » avant que ce slogan ne devienne plus tard une chimère au fil des années ?
« Nous avons battu campagne pendant une décennie autour d’un leitmotiv visant à changer le système. Mais le système en question est encore là. Nous avons changé de président de la République et de Premier ministre ; les ministres et les directeurs de certaines administrations ou entreprises publiques ont, eux aussi, changé. Mais il ne faudrait pas en déduire pour autant que le système se réduit à cela. Ce système est toujours là », tranche Guy Marius Sagna, député et une des figures de proue de Pastef.
Les nouvelles autorités semblent donc être confrontées à la dure réalité du pouvoir. La preuve la plus récente, c’est l’audience accordée à Tony Blair, ancien Premier ministre britannique. « Aujourd’hui, Tony Blair est le premier conseiller de Macky Sall. C’est lui qui parle à l’oreille de Macky. Ces dernières années, il est venu au Sénégal à au moins 4 reprises. Et à chaque fois, il a des rencontres à huis clos avec Macky Sall, ce qu’aucun Sénégalais ne peut avoir », disait Ousmane Sonko, en juillet 2021. Pour l’opposant d’alors, M. Blair est un fin manipulateur ethnique. « C’est lui qui a provoqué le conflit au Kosovo ou encore en Irak », accusait-il.
Mais aujourd’hui, son poulain Bassirou Diomaye Faye, actuel chef de l’Etat, a un tête-à-tête avec le patron de Tony Blair Institute for Global Change. Celui-ci s’est, d’ailleurs, réjoui de soutenir le Chef de l’État sénégalais dans la réalisation de sa vision et de ses initiatives prioritaires et stratégiques, selon une note de la présidence de la République. L’ex-chef du gouvernement du Royaume-Uni vient souvent à Dakar et dans d’autres pays en développement dans le cadre des activités de son institut, qui collabore à titre gracieux notamment dans les domaines de la plateforme digitale E-santé et de l’agriculture.
Cette même réalité du pouvoir a également poussé Ousmane Sonko à « tolérer et gérer l’homosexualité » et à appeler ses nouveaux opposants à « ne pas verser dans des attaques personnelles ».
Autant de faits qui prouvent que même si nous sommes encore loin de l’idée des « comédiens », Abdoulaye Mamadou Guissé & Cie, membres du mouvement « Sauvons la République », qui demande au Conseil constitutionnel de constater la « démission tacite » du Président de la République, Bassirou Diomaye Faye au profit de son mentor, la vérité est que Pastef doit réorganiser sa communication pour dire, dès maintenant, aux Sénégalais que la gestion d’un parti politique est différente de celle d’un Etat.