Avec 75 % des chômeurs âgés de 18 à 35 ans, le Mali fait face à une crise d’emploi qui reflète des inégalités profondes et structurelles. Entre inadéquation des formations, domination du secteur informel et disparités régionales marquées, la jeunesse malienne lutte pour s’insérer dans un marché du travail inadapté.
Selon l’étude Mali-Mètre (2019-2024), les jeunes âgés de 18 à 35 ans représentent 75 % des chômeurs, soit trois fois plus que les autres groupes d’âge. Cette situation reflète des inégalités marquées sur les plans régional, éducatif et de genre, aggravant les défis liés à leur intégration dans le marché du travail. Les régions du Nord, notamment Gao, Kidal, Mopti et Ménaka, sont les plus touchées par le chômage et l’inactivité. Les jeunes de ces régions ont jusqu’à 70 % moins de chances d’être actifs par rapport à leurs homologues de Bamako. Ce déséquilibre est aggravé par les défis sécuritaires et le manque d’opportunités locales.
À l’inverse, les régions méridionales enregistrent un niveau d’activité plus élevé, mais cette activité est dominée par le secteur informel, qui emploie plus de 70 % des jeunes actifs, avec un taux de 77 % chez les femmes.
Le genre est un facteur déterminant dans l’accès à l’emploi. Les femmes, qui constituent 51 % des jeunes, sont largement surreprésentées parmi les inactifs, avec 75 % d’entre elles confinées à des rôles domestiques. Parmi les jeunes actives, la plupart évoluent dans des emplois précaires. Paradoxalement, les hommes, bien qu’affichant un taux d’activité plus élevé, sont plus souvent au chômage, ce qui reflète leur forte présence dans les secteurs formels, où la concurrence est rude.
L’étude révèle également une inadéquation majeure entre l’éducation et l’emploi. Les diplômés du supérieur ont 5,66 fois plus de chances d’être au chômage que ceux sans formation, tandis que les jeunes diplômés du secondaire affichent également des taux d’inactivité élevés. En revanche, les jeunes sans formation ou ayant un niveau primaire sont plus souvent actifs, bien que cantonnés à des emplois peu qualifiés dans l’agriculture ou l’artisanat. Cette inadéquation met en évidence les limites du système éducatif, qui ne parvient pas à répondre aux besoins d’un marché du travail dominé par l’économie informelle.
De plus, l’étude souligne aussi qu’exploiter pleinement le potentiel de la jeunesse malienne nécessite des efforts concertés pour aligner les opportunités économiques avec leurs compétences et aspirations. Le document prévient que sans ces actions, cette génération, pourtant centrale à la démographie du Mali, continuera de porter le poids des échecs structurels du marché du travail.
Massiré Diop