Levée de la suspension d’exportation : Alloco, atiéké, igname… de retour dans nos assiettes

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Le gouvernement ivoirien avait suspendu l’exportation d’une vingtaine de produits alimentaires composés de banane plantain ou alloco, d’igname, de manioc, d’atiéké entre autres. La mesure vient d’être levée. Rétropédalage ou réalité économique du terrain ?

Le 15 janvier 2024, le gouvernement ivoirien avait pris un arrêté interministériel portant suspension temporaire de l’exportation de vingt produits alimentaires pour une durée de six mois. Avec à la clé des sanctions prévues contre les contrevenants (cf. Mali Tribune n°464 du mardi 6 février 2024).

Il s’agissait, entre autres, de banane plantain ou alloco, d’igname, de manioc et ses dérivés comme l’atiéké (poudre, cossette, pâte et semoule de manioc), graine de palme, sorgho, riz, tomate, poudre de gombo, poudre de piment, etc. La mesure était calquée sur un décret de 2022.

Les décideurs étaient le ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, du Développement rural et des Productions vivrières, du Commerce et de l’Industrie, des Finances et du Budget. La motivation toute trouvée était que la Can-Côte d’Ivoire 2023 (tenue du 13 janvier au 11 février 2024) pouvait mobiliser 1,5 million de personnes. Il était en outre question “d’assurer un approvisionnement des marchés en produits vivriers à l’effet de garantir la sécurité alimentaire des populations vivant en Côte d’Ivoire”.

Des explications ci-dessus réfutées par des observateurs avisés. Selon ceux-ci, “il n’y a aucune logique à cela. La Can était prévue pour un mois contre une durée de suspension de six mois”. En plus, “la Côte d’Ivoire excédentaire dans la production de chacune de ces denrées concernées, avec comme principaux clients le Mali, le Burkina Faso et le Niger ne connaît aucune insécurité alimentaire”, commente un négociant malien sous anonymat. Ce dernier de glisser sur le terrain politique en voyant en cette mesure, un moyen de punir les trois pays du Sahel qui ne soufflent pas de nos jours dans la même trompette qu’Abidjan.

Fin de l’arrêté du 15 janvier 2024

Le mercredi 22 février 2024, soit un mois et 7 jours après la prise des dispositions d’interdiction des mêmes aliments, un communiqué fait état d’un autre arrêté interministériel, signé par les ministres cités plus haut et mettant fin à celui du 15 janvier 2024. Aucune justification n’est donnée à la levée de la mesure.

Pendant ces quelques jours d’interdiction d’exporter, le marché malien de plantain, d’ignames, d’atiéké, etc., a connu une grande tension des prix. Ni l’alloco, ni l’igname encore moins l’atiéké ne sont considérés comme des produits de base au Mali. Mais leur consommation est bien ancrée dans nos habitudes alimentaires. Depuis plusieurs décennies, des ressortissants ivoiriens installés au Mali fabriquent sur place de l’atiéké dont la matière de base qu’est la pâte de manioc est importée directement de la Côte d’Ivoire. En plus, il est très rare de trouver une gargote, un restaurant ou une simple cérémonie sociale au Mali sans qu’un de ces produits ne soit dans les menus concoctés.

Pendant plus de deux semaines, l’alloco était presque en rupture sur les différents marchés de gros de la capitale (Sougounikoura ou Faladié dans la cour du marché aux poissons), où les prix sont passés du simple au triple. Trois plantains étaient vendus ces derniers temps à 500 F CFA contre 200 F avant la crise. Cette hausse vertigineuse liée effectivement à la crise, s’explique, selon un importateur, par le fait qu’ils étaient contraints d’emprunter des voies de contournement pour faire passer les quelques chargements de camions. Ces longues déviations en plus des dessous de table payés aux forces de sécurité ivoiriennes pour avoir leur silence, étaient répercutés sur le coût de revient.

  1. D., un autre importateur d’alloco, juge néanmoins salutaire la levée de la suspension. Selon lui, c’est une bouffée d’oxygène pour eux, mais surtout pour les planteurs ivoiriens dont ils sont les principaux clients.

A ses dires, ces derniers ont accusé plus de perte que leurs partenaires maliens dans la mesure où plusieurs centaines de tonnes de bananes plantains ont pourri dans les champs de Bono, Gado, Séguéla, etc., dans le département de Bouaké, du fait de la suspension d’exportation.

A en croire M. D., c’est la première fois dans l’histoire que le gouvernement ivoirien prenne officiellement une mesure de suspension concernant l’exportation de ces denrées alimentaires frappant directement notre pays. Mais il a rappelé qu’en 2021, un différend s’était passé entre acheteurs d’aloco et les producteurs ivoiriens.

Ces derniers avaient imposé que les achats devaient désormais se passer avec des intermédiaires. Les Maliens avaient refusé cela eu égard aux coûts supplémentaires exorbitants à payer. Le désaccord s’est soldé par le boycott des Maliens. Une dizaine de jours plus tard, un compromis était vite trouvé et tout est rentré dans l’ordre au bonheur des deux parties.

En tout état de cause, les amateurs de ces denrées alimentaires bien prisées, désormais aux anges, vont remettre à l’œuvre leurs papilles gustatives pour soulager leur appétit.

Abdrahamane Dicko

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