Pôle national de lutte contre la cybercriminalité : 232 plaintes enregistrées, 28 jugées et 14 envoyées devant les magistrats instructeurs

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Quelques mois après sa prise de fonction, le procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, Dr. Adama Coulibaly a tenu, le mercredi 10 janvier 2024, une rencontre avec la presse afin d’expliquer les contours de cette loi qui fait couler actuellement beaucoup d’encre et de salive à travers la mise en détention de plusieurs personnalités. Pour la circonstance, il avait à ses côtés, le président de la Maison de la presse, Bandiougou Danté.

Dans ses mots introductifs du président de la Maison de la presse, Bandiougou Danté a évoqué les raisons qui ont motivé la tenue de cette rencontre. Selon lui, cette initiative découle d’un partenariat d’échanges entre la faitière de la presse malienne et le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, garde des Sceaux.

A sa suite, le procureur du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, Dr. Adama Coulibaly a rappelé que son institution a été créée par la loi n°2022-058 du 22 décembre 2022. Car, selon lui, la délinquance s’est transportée dans le cyberespace avec parfois la forme de cybercriminalité organisée où derrière ces menaces ou attaques informatiques se trouvent des Etats, des particuliers…

Il convient de noter que le Pôle national de lutte contre la cybercriminalité est constitué d’une formation de jugement, d’un parquet, de cabinets d’instruction spécialisés, de chambres correctionnelles, d’une Brigade d’investigations spécialisée…

Il a saisi l’occasion pour expliquer le champ d’intervention du Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, qui est chargé de mettre en œuvre la loi sur la cybercriminalité, la loi portant régime de presse et le délit de presse, la loi sur les données à caractère personnel, les lois relatives aux échanges et services électroniques et aux modalités, moyens et système de cryptologie, l’ordonnance sur l’AMRTP, la loi domaniale et foncière, la loi électorale et le code minier en cas de cybercriminalité.

Par ailleurs, il laissé entendre que les poursuites peuvent se faire sur la base de dénonciations, des plaintes, d’exploitation des rapports de certaines autorités administratives indépendantes. “Nous pouvons nous autosaisir non seulement sur la base de l’exploitation de ces rapports mais de tout autre fait qui va être porté à notre connaissance et qui serait contraire à la légalité”, a-t-il martelé.

Une compétence transnationale et exclusive

Pour le conférencier, sa juridiction à une compétence transnationale et exclusive sur la mise en œuvre de certaines lois. Et de poursuivre qu’en premier ressort, aucune autre juridiction de droit commun ni aucune autre juridiction spécialisée ne doit prendre les procédures en lien avec la cybercriminalité. Aussi, les infractions connexes aux infractions cybercriminelles rentrent de facto dans le champ de compétence du Pôle anti-cybercriminalité.

En réponse à cette opinion qui pense que la lutte sur la cybercriminalité est une mesure restrictive et liberticide, le procureur est formel : “Personne n’est empêchée de s’exprimer mais seulement à condition de ne pas porter atteinte à l’honneur et à la dignité d’autrui”. Car, la lutte contre la cybercriminalité doit garantir à la fois le respect des droits fondamentaux et des libertés publiques. Il précisera qu’il n’y a pas de prescription pour les infractions commises sur le cyberespace.

Par rapport à l’indépendance de la justice, le conférencier a renchéri que l’autorité qui s’exerce sur le procureur se fait dans le cadre de la légalité. Et d’ajouter que personne ne peut donner l’ordre à un procureur de ne pas poursuivre dès qu’il estime qu’il y a eu une infraction à la loi.

“Si j’estime qu’il faut poursuivre quelqu’un, ni mon chef direct qui est le procureur général, ni le ministre de la Justice ne peut me dire de ne pas poursuivre. Par contre, ils peuvent me demander d’ouvrir des procédures. A l’audience, je me lève et je requiers pour ce que je pense être le droit en âme et conscience indépendamment de l’ordre écrit qui m’a été donné”, a renchéri le procureur.

Il ajoutera que conformément à la loi 0046 du 7 juillet 2000 portant régime de presse et délit de presse, pour faire l’objet de poursuite, il n’est pas nécessaire de nommer la personne en cas d’atteinte à l’honneur et à la dignité si les indications peuvent permettre de savoir de qui vous parlez, même si vous dites de manière dubitative ainsi que si vous tenez des propos susceptibles de troubler l’ordre public.

En ce qui concerne les procédures de sa juridiction, il a déclaré que de sa prise de fonction en juin dernier à nos jours, le Pôle a enregistré 232 plaintes dont 28 ont été jugées et 14 envoyées devant les magistrats instructeurs.  Et d’ajouter que les autres ont été classées dans le cadre de la médiation pénale. Pour ainsi dire que la Pôle anti-cybercriminalité émet moins de mandats de dépôt contrairement à ce que certaines opinions pensent.

“La particularité est que nous sommes dans un secteur à fort résonnance. Nous sommes avec les professionnels des médias, des activistes, des influenceurs, des chanteurs, des comédiens, des leaders d’opinion dont les activités sont visibles. Ce qui fait que par ricochet chaque fois que nous posons un acte, il est médiatisé. Je comprends que la liberté est la chose la plus précieuse, mais force doit rester à la loi”, a-t-il fait savoir.

                            Boubacar Païtao

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