Au-delà de Yaxam et Mimi, le mythe du média public

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« Amadou Ba est à 3 782 052 parrains ». Cette Une du journal Le Soleil du lundi 27 novembre 2023 a déclenché une polémique du côté de la classe politique. Alors que les uns démentent, la candidate Aminata Touré annonce une plainte contre Yaxam Mbaye, Directeur général et Directeur de publication du quotidien national pour diffusion de fausses nouvelles.

La réplique du journaliste-politicien ne s’est pas fait attendre. Il annonce à son tour une plainte pour fausse nouvelle, parce que, dit-il, Mimi, qui n’est plus membre de l’Apr, ne peut pas avoir accès aux chiffres du parti afin de savoir quel est le nombre de parrains exact du candidat Amadou Ba pour ainsi le démentir.

Au-delà du jeu de ping-pong entre Mimi Touré et Yaxam Mbaye, c’est surtout le rapport des acteurs politiques avec les médias publics qui se pose. Ils sont prompts à vouer aux gémonies ces médias, lorsqu’ils sont dans l’opposition. Mais dès qu’ils franchissent la barrière pour se retrouver du côté du pouvoir, ils attribuent toutes les vertus à ces supports.

C’est d’ailleurs cette incohérence que Yaxam pointe chez Mimi, lorsqu’il fait remarquer que l’ancienne Premier ministre est en train de « brûler, aujourd’hui, ce qu’elle a adoré et sublimé, hier, et qui lui a tant profité ».

Pas besoin d’avoir une mémoire d’éléphant pour se rappeler ce qui s’est passé aux élections législatives de juillet 2022. Tête de liste de la coalition Benno bokk yaakaar, Mimi Touré a fait venir la Rts, dirigée par son camarade de parti Racine Talla, pour lire en direct, à des heures indues (au-delà de minuit), les résultats compilés par son camp et qui donnaient Benno vainqueur du scrutin.

Ce jour-là, la Rts a diffusé une fausse nouvelle, car Mimi avait soutenu que Benno avait remporté le scrutin à Goudomp, ce qui n’était pas conforme à la vérité.

Mimi n’est qu’un cas, le réflexe est presque naturel chez les acteurs politiques. Abdoulaye Wade, Macky Sall et leurs partisans ont traîné les médias publics dans la boue, la Rts en particulier. Macky Sall, en plus de réclamer la tête de Babacar Diagne, avait affirmé lors de son meeting de clôture en 2012, que la RTS se préparait à diffuser des résultats qui n’ont rien à voir avec ceux sortis des urnes.

Ce qui a suscité une réaction de Diagne dans laquelle il déclarait que ces propos ont ‘’blessé profondément’’ la Rts. Arrivés au pouvoir, Macky Sall et Abdoulaye Wade ont vu dans les médias publics, des instruments de propagande.

Un petit monde qui se parle via la Rts

En fait, malgré le développement de la télévision au Sénégal, en dépit de la multiplication des moyens de diffusion, les médias publics continuent à capter l’attention des acteurs politiques. On continue à dénoncer l’inaccessibilité de la télé publique pour les opposants, le manque d’équilibre dans le traitement de l’information.

Pourtant, le public s’est bien éclaté ; certains suivent rarement la presse publique, préférant accorder leur confiance aux médias privés qu’ils considèrent comme plus équilibrés. Ce qui reste à démontrer, surtout depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir.

D’autres ont choisi tout simplement de se détourner des médias de masse pour se connecter sur internet dont ils chantent l’accessibilité, la fiabilité, la transparence,… autant de vertus qui ne sont en fait que des illusions. Malgré cet éclatement, au Sénégal, les politiques et les décideurs restent encore attachés aux médias publics, la télévision en particulier. Les moindres faits et gestes des ces supports sont scrutés et peuvent faire l’objet de polémique.

Cela peut s’expliquer aussi par le fait qu’il y a un petit monde qui se regarde et s’écoute via la télévision publique. Si le peuple se sent de moins en moins concerné au point de ne presque plus regarder le 20h de la Rts, il y a une classe composée du président, de ministres, de DG, de décideurs, de politiques, d’intellectuels, d’hommes d’affaires, qui continue à se ‘’fréquenter’’ par le canal de la Rts. C’est sans doute parce que chacun veut se faire voir et entendre par cette ‘’élite’’ que l’on accorde une place importante aux médias publics.

Ce n’est pas un hasard si la Rts est tant sollicitée pour les couvertures médiatiques. Certains reporters de la chaîne l’ont tellement compris qu’ils se prennent parfois pour les patrons des reporters tant ils sont souvent choyés par des entités publiques comme privées.

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