3ieme anniversaire de la chute du régime IBK : Les Maliens entre déception et désenchantement

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Jamais l’avènement d’une transition n’a suscité autant d’espoirs et d’espérance que celle issue du coup d’Etat du 18 Août 2020, tant par sa douceur, sans effusion de sang,  que par la manière dont elle est survenue, à savoir après une lutte à la fois héroïque et populaire du peuple malien. Ce combat parachevé par une frange de l’armée semble non seulement être détourné par cette dernière, mais aussi et surtout n’aura pas servi à grand-chose pour ne pas dire qu’il a été un échec cuisant eu égard au bilan post IBK. En d’autres termes la montagne a  tout simplement accouché d’une maigre souris tant les attentes ont été déçues et l’espoir d’un Mali stable et prospère débarrassé de tous les maux est devenu un mirage. De la lutte contre la corruption et le clientélisme, à celle contre le terrorisme, voire l’insécurité en passant par la promotion de la bonne gouvernance, les fruits n’ont simplement pas respecté la promesse des fleurs. Les langues commencent même  à se délier pour exprimer une certaine déception. IBK du fond de sa tombe va-t-il se retourner, voire rire de ses successeurs ? Le Combat du M5 RFP n’a-t-il pas été galvaudé par le CNSP ? Le régime IBK était-il préférable à celui d’Assimi Goïta ?  

Si les maliens dans leur écrasante majorité ont applaudi les héros du 18 Aout 2023, c’est parce qu’ils en avaient Ras-le bol du régime d’Ibrahim Boubacar Keita, qui pendant sept longues années a tiré vers le bas le Mali sur tous les plans. C’est pourquoi, bien qu’étant un crime imprescriptible contre le peuple, nombreux étaient les démocrates à apporter leur soutien aux auteurs du coup d’Etat et cela dans l’espoir de voir enfin leur pays sortir de l’abyssal trou dans lequel on l’a plongé. Trois ans après, interrogeons le bilan. Il est tout simplement en déca des attentes des maliens. Certains regrettent même, pour ne pas dire, éprouvent une immense nostalgie pour l’ancien régime, tant leur déception a été grande et leur désillusion incommensurable. Pour rappel, le régime IBK a chuté au prix d’énormes sacrifices tant matériels qu’humains, donc il serait inconcevable que tous ces efforts soient vains. Et pourtant l’on tend vers un échec cuisant, car le seul domaine dit de prédilection des militaires qui est le domaine sécuritaire se dégrade fortement après une montée en puissance  indéniable des FAMas. La lueur d’espoir est-elle en train de se muer en leurre ? L’honnêteté intellectuelle recommande qu’on reconnaisse que les Forces de défense et de sécurité ont été dotées d’équipements  et il y a eu des prouesses véritables dans le combat contre les terroristes, même si ces trois derniers mois on constate une escalade de la violence avec des déplacements massifs des populations. Donc c’est  sur le plan sécuritaire qu’on pourrait parler de relatives avancées.

Que dire des autres domaines ? 

D’abord sur le plan diplomatique, contrairement à une certaine propagande tendant à dire que notre diplomatie est bonne voie, c’est plutôt la grande déception sur ce plan car le Mali est isolé. Il n’a, en réalité,  que la Russie comme partenaire et ce partenaire est en guerre avec l’Ukraine ce que le permet pas de se consacrer à ce partenariat dit gagnant-gagnant. Le Mali en tournant dos à l’occident a fait le  mauvais choix de se priver des ressources financières, car toutes les institutions financières sont sous la coupole de l’occident,  alors que l’argent est le nerf de la guerre. La preuve nos sources d’approvisionnement ont tari ou bien sont bloquées, avec comme conséquences l’arrêt de l’économie et la souffrance de la population. La diplomatie sous Assimi est véritablement moribonde et exclusive car le Mali n’est ami à aucun pays de la sous-région excepté les pays qui subissent le même sort que lui. Il est isolé sur le continent car suspendu dans toutes les instances continentales. Sur le plan international sa voix est moins audible dans les foras sauf quand il s’agit de tancer la France.

Sur le plan économique et financier, les finances sont en souffrance tandis que l’économie est totalement à l’arrêt. Aujourd’hui excepté les salaires des fonctionnaires et certainement les besoins de l’armée, tous les autres secteurs sont moribonds à, commencer par le secteur privé. Les entreprises privées sont totalement asphyxiées aucun grand chantier de développement n’est ouvert, aucune initiative de relance de l’économie n’est en vue. En bon fataliste le malien ne fait qu’implorer le bon Dieu pour qu’il lui accorde sa miséricorde. Comment un pays pourrait-il amorcer son développement étant isolé ? La posture sinon les choix politiques du Mali ont  fait que tous les investisseurs ont quitté le pays. Cette place laissée vacante par certains partenaires n’a jusque-là pas été occupée par les nouveaux alliés du Mali comme la Russie et la Chine. Par contre, la BECEAO, l’institution financière de la sous-région a décidé d’asphyxier l’économie malienne en laissant sortir à compte-goutte l’argent. Bref aucune solution alternative n’est en vue pour pallier l’énorme manque en ressources financières.

Sur le plan sociopolitique

La transition était attendue non seulement pour des grandes réformes, mais aussi et surtout  pour rassembler la classe politique afin qu’elle puisse jouer pleinement son rôle d’animation de la vie politique pour qu’au finish les maliens puissent choisir enfin des bons dirigeants au terme de la transition. Si la nouvelle République c’est-à-dire la quatrième est née à travers une nouvelle constitution, nous devrions reconnaitre que son adoption est loin d’être consensuelle. Pire les maliens en général et la classe politique en particulier  n’ont  été autant divisés que sous la transition  du Colonel Assimi au point qu’on s’est cru dans une période normale avec une majorité qui gouverne et une opposition qui critique et qui s’oppose. Autres tares politiques de la transition c’est l’affaiblissement des partis politiques. Les leaders politiques  rasent les murs et ne savent pas à quel saint se vouer, alors que s’il n y a  pas d’autres alternatives à la démocratie, affaiblir les partis politiques finirait indéniablement par l’affaiblissement de la démocratie.  Si nous conviendrons tous qu’il n y a pas de démocratie sans  les partis politiques, nous devrions en conclure qu’il n y a pas tout de même  de politique en dehors des partis.

Sur le plan social jamais les maliens n’ont été aussi éprouvés, aussi affamés que sous la transition. En plus des coupures intempestives d’électricité, qui portent un coup d’arrêt  aux activités économiques, il y a également la vie chère avec son corollaire des flambées exorbitantes des prix des  denrées  de première nécessité. Tout est cher et l’argent est devenu une denrée introuvable.

Sur le plan judiciaire Sous ordre du prince du jour alors qu’elle était attendue pour être le remède à beaucoup d’inégalités et d’injustices dont les citoyens sont victimes, la justice est sans nul doute l’un des maillons faibles de la transition. Elle est distribuée selon la tête du client et conformément aux désidératas du plus fortuné ou du plus fort. Son indépendance qui était réclamée est devenue un mirage.

En somme, si nul ne pourrait regretter le régime IBK, il est tout aussi indéniable que le bilan de la transition est largement en deçà des attentes, bref des aspirations des maliens n’ont pas été comblées  et le bilan  sonne aujourd’hui  comme une trahison de la mémoire  des martyrs tombés lors  du grand soulèvement populaire du M5RFP

                                                                                                                             Youssouf Sissoko      

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