La part léonine de Koulouba

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Le remaniement ministériel tant annoncé – et longtemps attendu – a été finalement effectif, dans la foule des festivités de Tabaski, non sans surprendre une opinion lasse d’expectative, depuis la modification de la Charte de la Transition dans le sens d’un élargissement à la fois du Gouvernement et de l’organe législatif de la Transition. Avec 3/5 de l’équipe sortante affectée par le décret modificatif, la démarche aurait dû passer par une nécessaire dissolution de l’attelage au lieu d’une reconduction tacite du Premier ministre à son insu, selon toute vraisemblance. Qu’à cela ne tienne, Choguel Maiga ne paraît guère effarouché outre mesure de demeurer à la tête du gouvernement, dont la taille passe par ailleurs à 26 membres, à la faveur d’une légère retouche de l’architecture gouvernementale. Pas de ministère nouveau, mais surtout des portefeuilles éclatés sur fond d’affranchissement ou de neutralisation. Ainsi, le ministère délégué à l’Action humanitaire naguère rattaché à la «Santé et Développement social» disparaît, de même que le «Développement rural» au profit de l’Elevage et de la Pêche et de «l’Agriculture» devenues des portefeuilles séparées et pleines. Idem pour les «Mines» désormais dissociées de «l’Energie et de l’Eau».

De la quinzaine de personnalités concernées par l’abrogation du décret initial, quatre (4) sont conservés dans le nouvel attelage en changeant de département, tandis que plus d’une dizaine sont impitoyablement emportés par la bourrasque. Ils sont remplacés pour la plupart par des nouvelles têtes issues des dédales présidentiels, à l’instar du nouveau ministre des Domaines et de l’Urbanisme, de la nouvelle ministre de l’Energie et de l’Eau vraisemblablement récompensée pour son rapport biaisé sur l’affaire Paramount, puis celle de la Santé et du Développement Social qui n’est autre que la principale porteuse des œuvres sociales de Koulouba. Imarane Abdoulaye Touré, Bintou Camara et DIAWARA Badiallo Touré ne sont pas les seuls sous-couverts du Président de la Transition, lequel en a visiblement profité pour opérer une mainmise quasi totalitaire sur l’exécutif. Aux nouveaux entrants s’ajoutent plusieurs anciens membres de même obédience présidentielle. On y dénombre l’inamovible ministre des Finances auquel son ancien collègue banquier, Moussa Alassane Diallo, sera redevable de sa première expérience ministérielle ou encore le ministre des Sports sortant réaffecté aux Maliens de l’Extérieur, Moussa Ag Attaher, qui ne doit probablement plus son parcours ministériel au mouvement armé dont il est issu.

Quoique la trame militaire du gouvernement demeure intacte, en définitive, le règne tentaculaire de Koulouba sur le nouvel attelage est si manifeste qu’il parait abusif de parler encore de «pouvoir des 5 Colonels» tant l’accaparement d’Assimi Goita en fait le seul maitre à bord désormais.

Tel un pied-de-nez au politique

À la différence de sa frange militaire renforcé par ailleurs par d’entrée d’une septième colonelle, le Gouvernement de Transition est pratiquement expurgé de ses composantes politiques. Le M5 – RFP conserve certes la Primature mais au prix du largage en plein vol d’une douzaine environ de ses représentants parmi lesquelles des figures très emblématiques de la lutte anti-IBK et d’acteurs du changement. On compte parmi les victimes du coup de balai la syndicaliste Mme Sidibé Dédéou, ministre de l’Education nationale, la représentante du mouvement Yerewolo, Mme Wadidjé , tandis que sont sauvées pleine mer des membres de la défunte FSD et non moins proches de Choguel Maiga comme Ibrahim Ikassa Maiga. En vue de se donner bonne conscience, les expulsés du gouvernement ont été conviés à une dernière cérémonie de séparation à l’amiable à Koulouba autour du chef de l’Etat et du PM, mais il n’est point évident que la démarche ait suffi pour les consoler ou expliquer les raisons d’une telle différence de traitement entre acteurs de la même lutte parachevée par les 5 colonels. Demeurent sans réponse également le traitement discriminatoire des composantes civiles du gouvernement dans le réaménagement qui épargne soigneusement ses composantes militaires. Il n’en demeure pas moins que le décret pourrait avoir occasionné des amertumes chez un certain colonel pour l’accaparement, par le président de la Transition, de la place laissée vacante par son ancien protégé au Gouvernement.

Une frustration de plus grande envergure est sans doute ressentie du côté d’autres partenaires politiques visiblement désillusionnés de leurs attentes d’un nouvel attelage gouvernemental plus inclusif et plus en phase avec l’esprit d’ouverture préconisé et annoncé depuis la révision de la Charte de la Transition. Leur longue attente d’une application des nouvelles dispositions de cette Charte aura été vaine, d’autant que l’élargissement tant miroité ne saurait en être avec une marginalisation des forces politiques qui frise la dépolitisation programmée de l’action publique. Au profit notamment d’un réarmement ministériel du chef de l’Etat qui manquera difficilement d’amplifier la dissidence, à défaut de grossir les rangs des forces qui s’organisent pour faire échec à certaines orientations de la Transition ainsi qu’aux velléités qu’on prête à son président. Les prochaines étapes du retour à l’ordre constitutionnel s’annoncent en définitive beaucoup plus agitées que celle du référendum.

A KEÏTA

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